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POLITIQUE EN PACA & POLICY IN THE WORLD in English, French and Italian 0632173633 - diaconesco@gmail.com
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10 septembre 2020

HISTOIRE DE LA GUERRE EN ALGÉRIE FRANÇAISE ( 1954-1962 )

 

 

 

 

 

RAOUL SALAN GENERAL ALGERIE FRANCAISE

Général 5 étoiles RAOUL SALAN 

 

«  Jamais le drapeau du FLN ne flottera sur Alger … »
(Charles de Gaulle, en juin 1958).

13 mai 1958 – Alger

 

Aujourd’hui, les vieux soixante-huitards, devenus les « bobos » de la gauche-caviar, vont se remémorer, avec des trémolos, leur 13 mai 1968 : cette époque bénie où ces enfants trop gâtés de l’après-guerre (1) pouvaient tout casser, brûler des voitures, jeter des pavés sur les forces de l’ordre et hurler « CRS=SS » quand les flics ripostaient à coup de matraque.

Bravant, sans le moindre risque, le pouvoir gaullien, ils se prenaient pour des révolutionnaires ou mieux, pour des héros.

Quand on voit l’écolo-libéral « Dany le Rouge » soutenir Macron, on se dit que, finalement, les CRS de 68 auraient dû taper beaucoup plus fort !

Pour ma part, chaque 13 mai, j’ai une pensée pour celui de mes huit ans. C’est loin, mais je n’ai rien oublié de ce fameux 13 mai 1958, raconté avec force détails par de nombreux écrivains, plus ou moins témoins ou acteurs de ce qu’il faut bien appeler un coup d’Etat  des séides gaullistes.

Sur Wikipédia, on peut lire ceci : « Le putsch du 13 mai est le coup d’État mené à Alger (département d’Alger) le mardi 13 mai 1958, conjointement par l’avocat et officier parachutiste de réserve Pierre Lagaillarde, les généraux Raoul SalanEdmond JouhaudJean Gracieuxl’amiral Auboyneau avec l’appui de la 10e Division Parachutiste du général Massu et la complicité active des alliés de Jacques Soustelle… ».
C’est (comme d’habitude !) approximatif et incomplet.

Au départ, en pleine guerre d’Algérie, c’est un drame qui va provoquer l’indignation des foules : le 25 avril 1958, un tribunal révolutionnaire de l’ALN (2)  condamne à mort et exécute trois soldats français prisonniers depuis le 1er novembre 1956. Ces soldats,  qui sont tombés dans une embuscade, sont René Decourteix et Robert Richomme du 23ème  RI et Jacques Feuillebois  du 18ème  Dragons.

Pendant 18 mois,  ces malheureux garçons ont subi un atroce calvaire, traînés de village en village, la corde au cou, couverts de crachats, de coups et d’insultes. Ils sont fusillés par l’ALN… sur le sol tunisien, ce « pays neutre  et ami de la France » aux yeux de l’ONU.

Le général Raoul Salan était aux premières loges.
Il a raconté en détail le 13 mai dans un numéro d’« Historia », repris dans ses mémoires (3).

je vous ai compris charles de gaulle a alger

En France, le gaulliste Alexandre Sanguinetti remue ciel et terre pour organiser une grande manifestation en mémoire des trois soldats fusillés.

A Bône, à Oran, puis à Alger, les partisans de l’Algérie française et les associations d’anciens combattants en font autant. Mais il ne faut pas occulter l’agitation provoquée autour de ce drame par les partisans de « l’ermite de Colombey »  qui ne rêve que d’un retour au pouvoir.
Retour que seules des conditions dramatiques pourraient provoquer. 

Le dimanche 11 mai, un gaulliste historique demande à Raoul Salan :
«  Mon général, pouvez-vous temporairement vous passer de deux régiments parachutistes et, en cas de troubles, les envoyer sur la région parisienne ? ».

Le 13 mai 1958 est un coup d’Etat gaulliste : les gaullistes ont bien envisagé un coup de force des paras pour s’emparer du pouvoir !

Salan était prêt à marcher puisque, il l’écrira lui-même :
«  A Paris, des hommes politiques reprochent à cette guerre de s’éterniser et de coûter cher. 400 000 hommes, disent-ils, n’arrivent pas à bout de 60 000 Fellaghas ! Je retrouve les propos tenus autrefois sur l’Indochine… Mais Alger est à la porte de Paris… ».

Manipulé par les gaullistes – qui ont pourtant tenté de l’assassiner en janvier 1957 (4) – Salan déclare à la presse : «  Pour éviter le désordre, je suggère que monsieur  Pflimlin se retire et qu’un gouvernement de salut public soit constitué avec, à sa tête le général de Gaulle,  seul garant pour nous de l’Algérie française  ».

Le 13 mai, une grève générale est décidée à Alger, en même temps qu’une grande manifestation patriotique au plateau des Glières, où se trouve le monument aux morts de la ville.

Cette manifestation de « Pieds-noirs » et de Musulmans, qui fraterniseront avec les paras du 3ème RPC de Trinquier et ceux du 6ème de Romains-Desfossés va prendre une ampleur considérable.

Au balcon du gouvernement général, la foule en liesse acclame les différents orateurs.
On crie « Vive l’armée »« Vive Massu »« Vive Salan »« Algérie française », mais surtout « Vive de Gaulle » et « de Gaulle au pouvoir ».

De nombreux auteurs qualifieront d’« heures historiques » ce qui fut une gigantesque manipulation. Pendant ce temps, de Gaulle secoue ses supporters et ses fidèles en leur rappelant qu’il n’interviendra que « comme arbitre ». Il n’ose pas encore dire comme sauveur !

Et « l’ermite de Colombey » revint aux affaires, après une longue traversée du désert, à coups de propos mensongers. Bernard Moinet, dans son « Journal d’une agonie » (5) s’est donné le mal de reprendre les différents discours, notes, conférences, dans lesquels « l’homme du 18 juin » a pris position en faveur du maintien de la France en Algérie mais surtout, a demandé aux militaires, aux « Pieds-noirs », aux Harkis, de lui faire confiance.
C’est à la fois édifiant et scandaleux !

Le fourbe va rapidement tomber le masque. Dès janvier 1959, une des premières mesures du tout nouveau président de la République laisse les « Pieds-noirs » et l’armée perplexes : la grâce de 180 terroristes – excusez du peu ! – du FLN condamnés à mort pour des massacres ; la libération de 7000 prisonniers (qui s’empressent de gagner le maquis pour reprendre les armes contre la France) ; et enfin le transfert du traître Ben Bella et de ses codétenus à l’île d’Aix, où ils allaient bénéficier d’un hébergement de luxe.
Cette clémence n’était que la première étape du chemin de l’abandon.

Très rapidement le « général micro » – qui découvre, en revenant aux affaires, l’utilisation qu’on peut faire de la télévision – dévoile ses véritables intentions : l’indépendance à court terme.

Déjà, des émissaires gaullistes rencontraient en grand secret des responsables du FLN pour préparer ce que de Gaulle appelait « la paix des braves ». Le 16 septembre 1959, il prononçait son discours sur « l’autodétermination » qui ouvrait la voie à l’indépendance.

Pierre Pflimlin, éphémère Président du Conseil qui n’avait tenu que 20 jours avant d’être renversé par les gaullistes en mai 1958, avait vu juste quand il déclarait :

« Les gens d’Alger vont avoir des surprises avec de Gaulle. Il les matera durement. Il ne croit pas à l’Algérie française. Il ira plus loin dans la politique algérienne qu’aucun gouvernement n’aurait pu le faire… Un jour  les Français d’Algérie regretteront  de m’avoir renversé… ».

La perte de l’Algérie, c’est aussi la fin de notre autosuffisance énergétique et le début de l’immigration-invasion que nous subissons actuellement. Comme disait un humoriste – ô combien lucide ! – « Lors du divorce entre la France et l’Algérie, c’est la France qui a obtenu la garde des enfants. 

Pour moi, le 13 mai sera toujours une journée de deuil !

Semper fidelis.

Éric de Verdelhan
13 mai 2020

1)- C’est une époque où 20% des bacheliers, généralement issus de la bourgeoisie, pouvaient faire des études supérieures. Depuis, par souci d’égalité, on donne un bac totalement dévalorisé à 85 ou 90% d’une classe d’âge et on s’étonne qu’il n’ouvre qu’une porte : celle de « Pôle-emploi ».

2)- Armée de Libération Nationale ; la branche armée du FLN.  

3)- « Mémoires » du général Raoul Salan, en 3 tomes. Le dernier, et le meilleur, traite du drame algérien. Plon, 1973.

 4)- « L’affaire du bazooka » qui coûta la vie au commandant Rodier. Philippe Castille, l’un des auteurs de l’attentat, rejoindra plus tard Salan au sein de l’OAS.

5)- « Journal d’une agonie » de Bernard Moinet ; éditions Saint Just, réédition 1981.

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«La République a de la chance, elle peut tirer sur le peuple ! »
(Louis-Philippe, en exil, apprenant que Cavaignac avait fait tirer sur les émeutiers, le 25 juin 1848)


La République n’aime pas le peuple

Le gouvernement envoie l’armée pour mater les casseurs. Cette mesure, aussi stupide que démagogique, rassure le « bobo » parisien, lequel, n’ayant jamais risqué sa précieuse peau dans un quelconque combat, pas même une bagarre de rue, est toujours prêt à faire couler le sang… des autres pour protéger son confort bourgeois et préserver son égoïsme narcissique.

Dans notre longue histoire, on ne compte plus le nombre de fois où on a demandé à l’armée française de tirer sur des Français.

Citons, juste pour mémoire, les années 1906 et 1907 où le gouvernement radical-socialiste de Clémenceau fait donner la troupe pour mater dans le sang la révolte des viticulteurs du Midi (1). Ou encore l’année  1948 : le socialiste Jules Moch faisait ouvrir le feu sur des mineurs de charbon…

26 mars 1962 alger le massacre de la rue d'isly

Rue d’Isly à Alger le 26 mars 1962

Souvenons-nous, en ce 26 mars, du massacre d’une foule de « Pieds noirs », le 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger. Ce jour là, une section de tirailleurs a tiré à l’arme de guerre sur une foule désarmée qui venait, avec femmes, enfants, vieillards, dire son attachement à l’Algérie française et son rejet des Accords d’Evian (signés le 18 mars) qui livraient leur pays aux égorgeurs du FLN.  

Je tiens, du général putschiste Edmond Jouhaud en personne, un fait qui en dit long sur la volonté  gouvernementale de mater les partisans de l’Algérie française : lors de la manifestation du 26 mars 1962 (source émanant du colonel Goubard, chef de corps du régiment de Tirailleurs dont une section a tiré sur les manifestants), il a été tiré 1135 cartouches de P-M, 427 de fusil, 420 de fusil-mitrailleur : 1982 cartouches d’armes de guerre sur une foule pacifique dont le seul tort était de vouloir rester française. Bilan : 80 morts et plus de 200 blessés.

Pour ces victimes innocentes, pas de commémorations, pas de plaques, pas de discours pleurnichards, pas de « marches blanches » : Ils étaient français d’Algérie et ils aimaient viscéralement la France, donc tout le monde s’en fout !!!

Un peu d’histoire

L’évocation du 26 mars 1962 me donne l’occasion de rendre hommage aux « Pieds noirs » de toutes origines, même de ceux, mal connus, dont l’histoire a commencé dans le sang.

Remontons au mois de juin 1848 : à Paris, de violentes fusillades faisaient rage place de la Bastille. Le faubourg Saint Antoine était hérissé de drapeaux rouges.

Une barricade était encore tenue par quelques dizaines d’ouvriers. La place était jonchée de gardes mobiles, tués ou blessés lors des précédents assauts, tous repoussés par les insurgés. Des ouvriers tiraient ou lançaient des pavés des fenêtres des immeubles bordant la place. Le quartier sentait la poudre et le sang.

Le général Duvivier, chef de la garde mobile, avait été mortellement blessé près de la Seine. Son successeur, le général de Négrier, cinq fois blessé à Waterloo, avait été tué au cours d’un assaut.

 L’archevêque de Paris, monseigneur Affre, qui voulait s’interposer entre les belligérants, avait été mortellement blessé par une balle perdue. Le général Bedeau, ancien chef de la Légion Etrangère en Algérie avait été grièvement blessé.

Cette sanglante journée (25 juin 1848) se terminait et l’étau se refermait sur le quartier Saint Antoine. Au nord-ouest, le ministre de la guerre Cavaignac et son adjoint Lamoricière, tous deux anciens officiers de Zouaves en Algérie, avaient repris le faubourg Saint Denis au prix de plusieurs centaines de tués. Au sud, la bataille se terminait. Le général Bréa avait été massacré à la barrière d’Italie par des ouvriers qu’il adjurait de cesser le feu. Le général Damesne avait fait tirer au canon pour reprendre le Panthéon. Il avait été mortellement blessé.

45 000 soldats, gardes mobiles et nationaux convergeaient vers le faubourg Saint Antoine. Ils avaient perdu des centaines de morts, dont huit généraux, et plus de 2 000 blessés. En ces temps lointains les généraux payaient de leur personne : les médailles se glanaient au feu, non en courbant l’échine dans les états-majors ou les ministères.

Dans le camp insurgé on comptait les morts par milliers et les hôpitaux étaient pleins. Des dizaines de charrettes acheminaient les cadavres vers les cimetières de Paris.

Tout avait commencé au mois de février 1848 : des manifestants ouvriers avaient été tués par un bataillon de ligne. Paris, une fois de plus, s’était soulevé. Le gros Louis-Philippe avait abdiqué et un gouvernement provisoire, présidé par le poète Lamartine, s’était constitué à l’hôtel-de-ville. Il avait proclamé la République, aboli la peine de mort, limité à 11 heures la journée de travail, décrété la liberté de la presse, le suffrage universel (pour les hommes), l’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises, créé des « ateliers nationaux » pour 120 000 chômeurs et augmenté les impôts de …45% pour subventionner cette mesure !

L’utopie socialiste : bis repetita

Mais l’utopie et la gabegie socialistes devaient rapidement trouver leurs limites : aux élections législatives suivantes, les socialistes obtenaient 11% des sièges et un gouvernement conservateur prenait le pouvoir. Il fermait les ateliers nationaux début juin : 120 000 ouvriers – chargés de famille pour la plupart – se retrouvaient au chômage sans aucune aide.

L’insurrection avait éclaté le 22 juin. Des centaines de barricades avaient été édifiées dans les quartiers populaires. Les insurgés, pourtant mal formés et mal armés, avaient tenu quatre jours.

Le 26 juin au matin, l’armée attaquait le faubourg Saint Antoine de tous les côtés à la fois et les survivants déposaient les armes et se rendaient.

L’armée rafla tous ceux qui traînaient sur place, qu’ils soient armés ou non. Des commissions militaires condamnèrent 4000 « insurgés » ou réputés tels, femmes et enfants compris, à la déportation en Algérie. Beaucoup de déportés furent envoyés à pied à Marseille, sans pouvoir revoir leurs proches. Certains partirent sans rien. D’autres furent toutefois rejoints plus tard, en Algérie, par leur famille. Les hommes partirent à pieds vers Marseille. Les femmes, en péniche.

Ils traversèrent la Méditerranée sur des grandes barques à voile latine. Les capitaines leur firent interdiction de monter sur le pont. Ceux sujets au mal de mer vomissaient partout, dit-on. Puis, enfin, on les débarqua à « Alger la blanche ». Contre  leur gré, ils allaient devenir des « Pieds noirs ». 

L’Algérie d’alors, dans laquelle tout était encore à construire, n’était pas le pays de Cocagne qu’il allait devenir, grâce à eux, grâce à leur sueur et leur sang.

Puis, leurs enfants sont venus se battre, et parfois mourir, sur le sol métropolitain durant la Grande Guerre. Leurs petits-enfants – 17 classes d’armes – enrôlés dans l’Armée d’Afrique, ont contribué à libérer la mère patrie.
Ils espéraient un renvoi d’ascenseur ; ils ont été trahis !

En 1962, ils ont dû quitter un paradis. Ce paradis, c’est eux qui l’avaient bâti; ceci est une longue et belle histoire. J’ai voulu la raconter dans un livre(3) : « Semper fidélis ».

Eric de Verdelhan
25 mars 2019

1)- Le 17e Régiment d’Infanterie de Ligne, composé de conscrits du pays, avait été muté de Béziers à Agde le 18 juin 1907. Le soir du 20 juin, apprenant la fusillade, la 6e compagnie se mutine, pille l’armurerie du régiment et rejoint les émeutiers  de Béziers.

2)- Il le relate également dans son livre « serons-nous enfin compris ».

3)- « Oran le 5 juillet 1962 (et quelques autres massacres oubliés) ». Edilivre ; 2017. 

 

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Le 3 juillet, jour où l’indépendance est officiellement proclamée, sept katibas de l’ALN défilent à Oran, boulevard Herriot, devant une foule énorme.
Les Algériens déploient leur drapeau d’une Algérie nouvelle, manifestent leur joie avec des cortèges scandés par les youyous des femmes, des chants, des danses. Le capitaine Bakhti s’adresse aux Européens:
 « Vous pourrez vivre avec nous autant que vous voudrez et avec toutes les garanties accordées par le GPRA. L’ALN est présente… Il n’est pas question d’égorgements ». Est-ce, l’arrêt, enfin, des flots de sang ?

Le 5 juillet 1962, c’est le drame. La foule des quartiers musulmans envahit la ville européenne, vers 11 heures du matin. Des coups de feu éclatent. On ignore les causes de la fusillade… Dans les rues, soudain vides, commence une traque aux Européens… Vers 15 heures, l’intensité de la fusillade augmente encore.
A un croc de boucherie, près du cinéma Rex, on peut voir, pendue, une des victimes de ce massacre. Les Français, affolés, se réfugient où ils peuvent, dans les locaux de
 « l’Écho d’Oran », ou s’enfuient vers la base de Mers-el-Kébir… Pendant ce temps, le général Katz déjeune à la base aérienne de La Sebia. Averti des événements, il aurait répondu à un officier : «  Attendons 17 heures pour aviser ».

Précisément, à 17 heures, la fusillade se calme… Le bilan du 5 juillet est lourd… Les Européens racontent des scènes de tortures, de pillages et surtout d’enlèvements. Le 8 mai 1963, le secrétaire d’état aux affaires algériennes déclare qu’il y aurait 3 080 personnes signalées comme enlevées ou disparues…On ne parlera plus, pendant longtemps, de ces « disparus »…
(Benjamin Stora)


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Ceux qui connaissent le pedigree de Benjamin Stora pourraient douter de ses propos. Voilà un personnage peu suspect de sympathie pour l’Algérie française mais son descriptif des massacres d’Oran est relativement exact. Cependant, nous préférons, sur ces événements tragiques, donner les avis de Guillaume Zeller (1), et Geneviève de Ternant (2) moins suspects de partialité.

Situons le contexte d’avant les massacres :

Les Accords d’Évian ont fixé la date de cessez-le-feu – le 19 mars – entre la France et le FLN.
Après le cessez-le-feu, le FLN n’est plus combattu et peut donc agir librement.
Dès le 19 mars, les massacres de Harkis commencent  en Algérie et la France laisse faire. Dès le 17 avril, une vague d’enlèvements de personnes s’abat sur Oran. Les rapts s’effectuent au  moyen de barrages établis par le FLN, notamment dans les quartiers musulmans que doivent traverser des Européens pour se rendre à leur travail, quartiers où les soldats français ne patrouillent plus.

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Les enlèvements sont quotidiens. Ils vont se poursuivre jusqu’au mois de novembre. On découvre plusieurs charniers du FLN. Les habitants du bled, eux-mêmes visés par les enlèvements, se replient sur la ville. L’épouvante s’installe. C’est durant ce mois d’avril que commence l’exode des Européens d’Oran. L’OAS brûle ses dernières cartouches et se lance à son tour dans une vague d’attentats. Le 26 juin 1962, l’OAS a cessé le combat. Ses effectifs ont quitté la ville pour l’Espagne.

Les Européens encore à Oran créent naïvement un « comité de réconciliation » entre les deux communautés. Il tient une réunion  à la préfecture, le 28 juin. Au cours de cette réunion, le chef du FLN d’Oran, le capitaine Bakhti, se veut rassurant : « L’ALN est présente à Oran. Il n’est pas question d’égorgements. Au contraire, nous vous garantissons une vie meilleure ».

Depuis le 25 juin, des camions militaires français sillonnent les rues de la ville, diffusant des messages rassurants, promettant protection de l’armée à la population européenne, l’incitant à ne plus avoir peur, et à reprendre normalement ses activités. Cependant, l’inquiétude est grande car le FLN poursuit ses  exactions et les enlèvements continuent. Du 26 au 29 juin, en trois jours, près d’une centaine de personnes sont enlevées en Oranie. Puis, du 30 juin au 4 juillet, 30 autres. Dans le petit peuple oranais, c’est toujours la peur qui prédomine. Les Européens continuent de quitter la ville.

À partir du 29 juin, une grève en métropole des personnels de navigation – grève fomentée par la CGT et les Communistes – vient tout aggraver. Le rythme des départs d’Oran n’est plus que de 3 000 par jour. L’état-major de l’ALN, allié à Ben Bella, est en pleine lutte pour le pouvoir, face aux modérés du GPRA. Il désire « ruiner l’autorité du GPRA ».

Et, contrairement à ce dernier, il est hostile au maintien d’une présence européenne en Algérie. Ce contexte de guerre interne au FLN corrobore l’hypothèse de troubles prémédités, décidés en haut lieu : les massacres du 5 juillet permettent à l’ALN de l’extérieur d’affirmer  qu’elle est entrée dans Oran le 8 juillet pour « rétablir et maintenir l’ordre », subodorant  que le GPRA était incapable de le faire. Ceci n’est qu’une hypothèse mais elle est tout à fait vraisemblable.

Bruno Étienne, politicologue spécialiste de l’Algérie, est le seul à désigner précisément un groupe comme responsable des massacres et des enlèvements à Oran le 5 juillet : il s’agit, d’après lui, d’une katiba de l’ALN de l’extérieur, celle de Cheir Belkacem. Arrivée de Dar El Kebdani (Maroc) en avant-garde, elle aurait été présente à Oran ce jour-là.

Le « transfert de souveraineté » à l’exécutif provisoire a eu lieu le 3 juillet. L’Algérie est donc indépendante depuis ce jour. De Gaulle a « reconnu » l’indépendance de l’Algérie, mais il ne l’a pas encore « proclamée ». Il doit le faire le soir du 5 juillet, à la télévision.
La proclamation de l’indépendance va donc coïncider avec le 132ème anniversaire de la prise d’Alger par les Français. C’est encore une gifle morale pour la France !
Depuis le 1er juillet, des manifestations ont salué joyeusement l’indépendance : défilés de voitures chargées d’hommes et de femmes mais, en somme, plutôt bon enfant.

Le chef de la Wilaya 5 (Oranie), le colonel Othmane, acquis à l’ALN de l’extérieur, a dépêché sur Oran sept katibas qu’il a pu reconstituer après le cessez-le-feu. Elles ont défilé dans la ville le 3 juillet. Ce même jour, le capitaine Bakhti donne l’ordre de cesser les manifestations.
Le 4, elles reprennent en soirée. Sur « Radio-Alger », le GPRA appelle à de grands rassemblements pour le lendemain, 5 juillet, jour de la proclamation de l’indépendance. En principe, aucun déploiement de foule n’est prévu en Oranie, tenue en main par les partisans de Ben Bella. À Oran, le capitaine Bakhti, lié aux ultras, affirme qu’aucune manifestation n’est prévue. Il appelle à la reprise du travail.
Le capitaine Bakhti informait le général Katz (par l’entremise du commandant Humbert, de la gendarmerie) des manifestations et démonstrations de liesse. Il ne le prévient pas d’une manifestation devant avoir lieu le jour de la proclamation de l’indépendance. Il ne le fera que le 5 juillet, « aux environs de midi », c’est-à-dire après le début des massacres.

Les opinions divergent fortement quant à la prise d’initiative de la manifestation. Katz avance que les Musulmans auraient spontanément décidé de défiler le 5 juillet. L’historien algérien Fouad Soufi fait observer que les milieux intellectuels, scouts musulmans et syndicalistes UGTA de la ville étaient hostiles à l’ALN de l’extérieur. Ces modérés auraient initié la manifestation malgré les injonctions du capitaine Bakhti. Les théoriciens du coup monté souscrivent à cette idée.

Le ou les coups de feu mystérieux faisant dégénérer la manifestation en tuerie auraient été, selon eux, une provocation des partisans de Ben Bella. En déclenchant volontairement des troubles d’une rare violence, les « Ultras » accentuaient l’exode européen, déconsidéraient le GPRA et justifiaient l’entrée de l’ALN de l’extérieur dans la ville. Selon l’historien Jean Monneret, la manifestation aurait bel et bien été organisée par le FLN « benbelliste » tenant la ville.

Le 5 juillet, il reste environ 100 000 Européens à Oran.  Ils bénéficient, en principe, de la garantie de leur personne et de leurs biens par les Accords d’Évian.
La manifestation musulmane se met en place dès sept heures du matin. En tête, vont les scouts musulmans, aux foulards vert et blanc. Des banderoles anti-Ben Bella proclament : « Non au culte de la personnalité » ou « Un seul héros, le peuple ». Parti de Ville-Nouvelle, le cortège emprunte les boulevards jusqu’à la place Karguentah. Les manifestations des jours précédents s’étaient cantonnées aux quartiers musulmans. La foule, ce 5 juillet, progresse vers la place d’Armes (place Foch), c’est-à-dire vers les quartiers européens : l’ALN doit hisser le drapeau algérien sur la façade de la mairie. Des soldats de l’ALN, en treillis  léopard, sont en effet présents.

Le service d’ordre est assuré par des ATO (3) en uniforme plus clair, submergés. Sur la place, la foule des manifestants est maintenant considérable, les femmes en haïk groupées d’un même côté, avec les enfants. L’atmosphère est à la fête, et l’exaltation à son comble.
À 11 h 15, un coup de feu d’origine inconnue est entendu, place d’Armes. D’autres coups de feu répondent au premier.

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Des Musulmans armés se mêlent à la foule. Certains sont en uniforme militaire (ATO et ALN). De nombreux manifestants sont armés et les tirs se généralisent. Un mouvement de panique s’empare des manifestants. Beaucoup se couchent à terre. Femmes et enfants s’enfuient. La fusillade est si nourrie qu’on ne peut pas dire qui tire sur qui.
Au début, on verra les ATO s’impliquer dans les lynchages et les meurtres. Puis, les militaires de l’ALN s’imposent en nombre dans les exactions. C’est une chasse à l’homme, une boucherie  qui s’organise. Les hommes armés se ruent sur les logements, enfoncent les portes des appartements, ouvrent le feu dans les commerces et les restaurants, arrêtent, enlèvent, égorgent, au hasard.
Des rafales d’armes automatiques arrosent les terrasses des cafés et les voitures.

Sur les atrocités commises, tous les témoignages concordent: tueries massives d’Européens (et de Musulmans soupçonnés d’être favorables à la France), lynchages, tortures, éviscérations, viols, pendaisons, mutilations, etc…
Les premiers rapts sont signalés vers 12 h 10 : une centaine d’Européens sont dirigés sur Ville-Nouvelle (quartier musulman du centre). D’autres rapts ont lieu avenue de Sidi-Chami (12 h 20). Entre 12 heures et 12 h 30, la poste principale est envahie, les fonctionnaires présents sur place sont égorgés et une trentaine de personnes, hommes et femmes, sont enlevées, contraintes de se déplacer à genoux. Les hommes de l’ALN quadrillent la ville. Ils enlèvent des personnes et les regroupent. Ils conduisent des Européens en cortège au commissariat central, ou vers le petit lac où sont pratiqués des assassinats de masse. Plusieurs prisonniers sont abattus en chemin.

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Les Accords d’Évian (article 5) prévoyaient que l’armée française pourrait intervenir au cas où la sécurité de ressortissants français serait menacée. Et ce, jusqu’à la remise des pleins pouvoirs à une Assemblée Nationale algérienne élue. Il n’y a donc pas de risque de protestation de la part de l’exécutif provisoire algérien. Lors du conseil des ministres du 24 mai, Louis Joxe a évoqué la peur dans laquelle vivaient les Harkis et les Européens, et de Gaulle a livré son sentiment : « La France ne doit plus avoir aucune responsabilité dans le maintien de l’ordre après l’autodétermination. Elle aura le devoir d’assister les autorités algériennes ; mais ce sera de l’assistance technique. Si les gens s’entre-massacrent, ce sera l’affaire des nouvelles autorités. »

Le 21 juin, de Gaulle a rejeté l’instruction Messmer autorisant une intervention « d’initiative française » (c’est-à-dire non sollicitée par l’exécutif provisoire algérien).
Le 5 juillet, la menace est pourtant directe et grave. Mais le général Katz a pu, au travers des notes reçues, prendre la mesure de l’hostilité des politiques à toute intervention dite « d’initiative ».
Quelques tirs  furent dirigés sur les sentinelles françaises en faction devant la mairie. Les soldats français ripostèrent, pour la forme, avant de se barricader. Pendant les massacres, l’armée française se « planquait » dans les postes de garde. Un hélicoptère survola la ville. A son bord, le général Katz essayait d’apprécier la situation. Sur la seule place d’Armes, il y avait vingt ou trente cadavres d’Européens affreusement mutilés. Mais du haut de son appareil, celui qu’on surnommait le «boucher d’Oran » crut pouvoir en déduire que la ville était calme. Tout était, apparemment, rentré dans l’ordre ! Il valait mieux éviter un affrontement avec le FLN, pensa-t-il.
Et le drapeau français fut amené pour ne pas exciter davantage la fureur musulmane.

Chaque Européen était devenu une proie, face à une populace avide de sang. Quand ils apercevaient des véhicules de l’armée française, les Européens tentaient d’y grimper. La plupart du temps ils étaient repoussés à coups de crosse.
A 17 heures, enfin, la gendarmerie mobile prenait position. Aussitôt, comme par miracle, la manifestation prit fin et la populace disparut… mais il était trop tard.

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Des centaines de cadavres jonchaient les rues, le sang maculait tout : murs, trottoirs et rigoles, les appartements étaient dévastés, les magasins pillés, les disparitions ne se comptaient plus…
Au soir de cette journée tragique, de Gaulle apparaît comme prévu à la télévision, et proclame l’indépendance de l’Algérie.
L’horreur des massacres achève de terroriser la population européenne. Elle lui montre la fragilité de son statut, défini par les Accords d’Évian mais remis en cause d’un côté comme de l’autre.

Si les nombreux témoignages confirment tous les insoutenables scènes de massacre, son ampleur est très difficile à estimer. Du côté des autorités, concernant les rapts, on se contente d’englober la journée du 5 juillet à Oran dans des chiffres plus généraux : sur l’ensemble de l’Algérie, en huit ans de guerre, de novembre 1954 au 19 mars 1962, 375 Européens furent enlevés par le FLN ; le phénomène s’amplifia brutalement dès le cessez-le-feu puisque, du 19 mars à octobre 1962, c’est à dire en sept mois, il y eut 3 518 Européens enlevés par le FLN. Un demi-siècle plus tard, la majorité des personnes enlevées sont toujours considérées comme disparues.

Le lendemain du drame, le docteur Alquié, ancien adjoint au maire, ouvre une permanence à l’hôtel de ville. Dans la seule journée du 6 juillet, il recueille 500 dossiers de demandes de recherche.
Jean Herly, consul de France, dit pour sa part avoir été saisi de 448 plaintes (concernant meurtres et disparitions — une plainte pouvant concerner plusieurs personnes). Les rapatriés parlent de « 3 000 disparus » à Oran, ce jour-là. Jean-Pierre Chevènement, préfet d’Oran par intérim le 6 juillet, cite le chiffre de 807 victimes que lui fournirent ses services.
Jean-Jacques Jordi ne dissocie pas les victimes du 5 juillet de celles des jours qui précèdent et qui suivent. En tenant compte « des cas dits incertains », il estime qu’il y a eu en quelques jours, dans le grand Oran, 700 morts et disparus européens.  

« Le massacre du 5 juillet d’Oran, écrit Georges-Marc Benamou, semble être un événement clandestin, discutable, fantasmé, et dont seuls les survivants se repassent le souvenir. Aucune étude historique définitive. Pas de véritable investigation. Peu de livres. Pas une plaque et nul hommage officiel de la République… ». Se heurtant aux intérêts économiques, à des préoccupations d’ordre hagiographique, au silence des pouvoirs publics, à celui des médias et des historiens, les familles des victimes se battent pour que le massacre soit reconnu.

En 2007, à la question d’un parlementaire lui demandant de préciser ce qu’il envisageait afin que la mémoire des victimes du massacre d’Oran puisse être commémorée, Hamlaoui Mekachera, ministre des anciens combattants, répondait: « Je tiens à rappeler que la République rend hommage aux combattants morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie le 5 décembre de chaque année. Conformément aux dispositions de la loi no 2005-158 du 23 février 2005…les victimes civiles et les disparus en Afrique du Nord sont désormais associés à cet hommage national. À ce titre, dans le cadre de la cérémonie nationale du 5 décembre 2006, une plaque a été inaugurée par le Premier ministre… quai Branly, près du mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, pour rappeler la souffrance des familles confrontées aux violences et aux massacres…».
Un pathos verbeux, une « bouillie de chat », pour dire qu’on ne veut plus entendre parler des massacres d’Oran le 5 juillet 1962.

Début 2015, Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d’état aux Anciens Combattants, en visite à Alger, qualifiait  ces massacres de « débordements tragiques », ce qui, une nouvelle fois, les minimise ou les nie. Pourtant, depuis 2012, les livres de Guillaume Zeller, Guy Pervillé et de beaucoup d’autres – dont les miens (4)-  ne laissent aucun doute sur la réalité des faits et… leur monstruosité.

Éric de Verdelhan
5 juillet 2020

1)- :« Oran, 5 juillet 1962, un massacre oublié » de Guillaume Zeller ; Taillandier ; 1912.

2)- :« L’agonie d’Oran » de Geneviève de Ternant ; Gandini ; 1996. 

3)- : Auxiliaires Temporaires Occasionnels : une sorte de milice à la solde du FLN.

4)- : « Oran le 5 juillet 1962… », Edilivre ; 2016. « Hommage à NOTRE Algérie française » Editions Dualpha ; 2019.  

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