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POLITIQUE EN PACA & POLICY IN THE WORLD in English, French and Italian 0632173633 - diaconesco@gmail.com
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5 octobre 2021

HISTOIRE DE LA CIVILISATION OCCIDENTALE - 480 av. J-C LA BATAILLE NAVALE DE SALAMINE AVEC LA VICTOIRE DES GRECS SUR LES PERSES

Salamine (480 av. J.-C.) : la menace perse tenue en échec
29 septembre 480 av. J-C. Dix ans après Marathon, la bataille navale de Salamine marque un tournant dans l’affrontement avec l’Orient achéménide. Suivie de Platées et du cap Mycale, cette victoire garantit le maintien de l’indépendance des cités grecques. Pour le plus grand bénéfice d’Athènes…
Salamine (480 av. J.-C.) : la menace perse tenue en échec
« Ô Salamine ! Nom fatal et détesté ! Athènes ! Athènes ! Que ton souvenir me coût de pleurs. »
Nous sommes en 472 av. J.-C. Dans les gradins du théâtre de Dionysos, le public athénien s’enivre de la déploration lyrique du funeste messager qui, dans Les Perses d’Eschyle, doit faire à la mère de Xerxès le tragique récit de la défaite infligée aux Achéménides. Sur les pentes de l’Acropole, incendiée à l’époque par les Barbares, tous entretiennent la mémoire de l’exploit qui, quelques années plus tôt, a posé les fondations de la puissance maritime de la cité.
Conjurer les mauvais augures…

acropole-athenes-2

 

Septembre 480 av. J.-C. Depuis trois mois déjà, des myriades de Perses ont franchi l’Hellespont sous la conduite du Grand Roi. Soucieux de venger l’humiliation infligée à Marathon à son père Darius, Xerxès vise sans doute également à obtenir un certain nombre d’allégeances dans une péninsule finalement bien périphérique au regard de l’immense Empire dont il maîtrise les destinées. La rapidité de la progression de ses troupes innombrables, entravée seulement par l’héroïque résistance de Léonidas aux Thermopyles, sème l’effroi à Athènes, à laquelle Delphes a rendu un oracle effrayant. « Fuis aux extrémités de la terre […] ; il livrera à l’ardeur du feu bien des temples des dieux qui dès maintenant ruissellent de sueur et tremblent de peur » (Hérodote, Histoires, VII, 140).

Tandis que les alliés déjà songent à se retrancher dans le Péloponnèse que protège l’isthme de Corinthe, au risque d’abandonner la Béotie et l’Attique aux Barbares, Thémistocle tente de convaincre ses concitoyens que « le rempart de bois, seul à être inexpugnable », également évoqué par la Pythie, n’est autre que la flotte, dont il a doté la cité quelques années auparavant. En effet, en 483 av. J.-C., pour lutter contre la cité rivale d’Egine, il a réussi à imposer que les bénéfices tirés de l’exploitation des mines servent à la construction de 200 trières (1). Une mesure qui complétait l’aménagement du port du Pirée. Devant les résistances des Athéniens, Thémistocle use de subterfuges pour les convaincre de livrer bataille sur mer, en faisant croire notamment à la disparition du serpent sacré de l’Acropole. Si quelques irréductibles refusent de quitter la cité que les Perses parviennent à investir, les femmes et les enfants sont finalement évacués, tandis que les hommes rejoignent les navires.

Située à l’ouest du Pirée, Salamine est une île du golfe Saronique fermant la baie d’Eleusis. C’est là que mouille la flotte de 300 trières (dont près de 200 athéniennes), placée sous le commandement du chef de la coalition grecque, le Spartiate Eurybiade. Ancrés à Phalère, les Perses disposent d’une incontestable supériorité numérique : 1 200 navires selon Eschyle, un peu plus de 600 pour ceux qui considèrent que Xerxès a déjà subi de lourdes pertes, quelques jours plus tôt, lors d’une tempête au large du cap Artémision.

« Ce n’est pas en fuyant qu’ils chantent le péan, ces Grecs ! »

Thémistocle veut livrer bataille, convaincu que l’ennemi peinera à manœuvrer dans la passe étroite, laissant ainsi aux Athéniens une chance de l’emporter. En butte aux réticences des chefs des forces helléniques, il va pousser Xerxès à s’engager le premier : il lui envoie un messager, le prévenant que les Grecs s’apprêtent à fuir à la nuit tombée. Confiant, le Grand Roi n’y voit pas malice et mobilise toute la nuit durant sa flotte pour garder « les issues et les passes grondantes ». Pour briller aux yeux du Grand Roi, qui s’est installé sur le mont Aigaléos, les Perses s’engagent même imprudemment dans le goulet d’étranglement, là où le détroit séparant les rives de l’Attique des côtes de Salamine est encore rétréci par une île.

« Mais quand le jour aux blancs coursiers épand sa clarté sur la terre, voici que, sonore, une clameur s’élève du côté des Grecs, modulée comme un hymne, cependant que l’écho des rochers de l’île en répète l’éclat. Ce n’est pas en fuyant qu’ils chantent le péan, ces Grecs ! A ce moment au combat ils s’avancent, pleins de valeureuse assurance. Le son de la trompette embrasait tout le front ! Aussitôt le fracas de la rame bruyante frappe d’un même ensemble en cadence le flot… On entend l’innombrable clameur : ‘Allez, enfants des Grecs, libérez la patrie ! Délivrez vos enfants et toutes vos compagnes, et les temples des dieux, les tombeaux des aïeux ! C’est la lutte suprême !’ »
(Eschyle, Les Perses, 353-432).

 

ant5-combat-guerriers-perse-grec

Les sources divergent quant à la disposition des flottes et au déroulement de la bataille. On prête parfois aux Grecs une tactique de diekplous (percée), une manœuvre de combat naval consistant à foncer à travers les lignes adverses pour briser les rames des navires ennemis, puis à effectuer un demi-tour brutal et revenir les éperonner. Sans doute l’affrontement s’est-il déroulé dans la plus grande confusion, en se démultipliant en une série de combats singuliers entre navires, et en autant d’abordages effectués par les épibates, les hoplites embarqués sur les trières. Dans l’après-midi, alors que depuis des heures déjà le combat, d’une rare violence, fait rage, un vent contraire aux Perses favorise les Grecs. Aristide, l’un des héros de Marathon, peut même débarquer sur l’îlot de Psyttalie et massacrer les troupes d’élite adverses qui y avaient été stationnées pour achever les naufragés grecs. Mais ce ne sont pas eux qui noircissent désormais les eaux de la baie : ce sont les corps des Barbares qui recouvrent les ondes, achevés à coups de rames comme « des thons pris dans un filet ».

La victoire est sans appel et le bruit court que repousse déjà l’olivier sacré que les Perses sacrilèges avaient coupé sur l’Acropole. Alors que les Grecs déplorent la perte de 40 navires, Xerxès en a perdu 200 : sa flotte est cette fois en partie détruite. Après avoir fait exécuter les triérarques (2) défaits, il repart pour l’Asie Mineure. Salamine ne marque pas pour autant la fin de la guerre : une armée est maintenue en Thessalie et reprend l’offensive au printemps suivant, avant d’être cette fois définitivement battue, sur terre à Platées, et sur mer au cap Mycale, en 479. Mais l’écho moral et politique de la bataille est considérable pour les Athéniens, qui se considèrent comme les artisans de ce nouvel exploit. De nouvelles fortifications sont édifiées, dans la cité comme au Pirée qui, réunis quelques années plus tard par les Longs Murs, formeront un ensemble inexpugnable.

SALAMINE von Kaulbach

Naissance de la thalassocratie athénienne
Dès 478-477, sous couvert de prévenir tout retour des Perses et de libérer les cités ioniennes de la domination barbare, les Athéniens prennent la tête de la ligue de Délos qui va devenir l’instrument politique et naval de la thalassocratie athénienne. Les cités qui ne pourront plus ou ne voudront plus fournir les bateaux et les équipages nécessaires pour patrouiller en mer Égée préfèreront bientôt payer un tribut et laisser ainsi à Athènes la direction effective des opérations.

Salamine marque aussi un changement dans l’évolution intérieure de la cité, en donnant une nouvelle place aux intérêts du dèmos (peuple) urbain. Jusqu’alors en effet, seules les classes les plus élevées du système mis en place par le législateur Clisthène participaient réellement à la vie politique, sous l’égide de la traditionnelle aristocratie foncière. En bas de l’échelle sociale, les thètes (3) ne pouvaient se procurer l’équipement de l’hoplite. Leur visibilité politique était alors inversement proportionnelle à la part qu’ils prenaient dans la défense de la cité. Mais c’est en leur sein désormais que vont être recrutés les rameurs (environ 200 par trière). Comme les marathonomaques au début du Ve siècle av. J.-C., ils vont pouvoir imposer leurs intérêts à l’Ecclesia, pousser toujours davantage la cité à investir les mers et permettre la naissance d’un véritable Empire.

« La foule des marins, à qui l’on devait la victoire de Salamine et, par celle-ci, l’hégémonie acquise grâce à la puissance maritime, donna plus de force à la démocratie » (Aristote, Politique, V, 4, 1304a). Une démocratie qui ne tardera pas à devenir l’instrument de l’impérialisme athénien.

Mathilde T.

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire, Hors-Série n°7 « La puissance et la mer », Automne-Hiver 2013, pp. 7-8.

Notes

  • Trière : galère de combat antique.
  • Triérarque : commandant d’une trière.
  • Thètes : citoyens les plus pauvres.
  • salamine04b

Photo : Mémorial des combattants de Salamine, Grèce. © photo_stella. 

 

 

 La bataille de Salamine

Bataille de Salamine
Description de cette image, également commentée ci-après
Schéma de la bataille de Salamine, selon une reconstitution possible.
Informations générales
Date Septembre 480 av. J.-C.
Lieu Au large de Salamine
Issue Victoire décisive des Grecs
Belligérants
Cités-États grecques Perse et vassaux
Commandants
Eurybiade de Sparte
Thémistocle d'Athènes
Adimante de Corinthe
Aristide d'Athènes
Xerxès Ier
Artémise Ire
Achéménès
Ariabignès †
Damasithyme †
Forces en présence
322 trières1 1000 navires1
Pertes
(inconnu) 200 navires, au minimum

Guerres médiques

Batailles

Cette boîte : voir • disc. • mod.
Coordonnées 37° 57′ 05″ nord, 23° 34′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Grèce
(Voir situation sur carte : Grèce)
Bataille de Salamine

La bataille de Salamine (en grec ancien : Ναυμαχία τῆς Σαλαμῖνος / Naumachía tēs Salamînos) voit l'alliance des cités-États grecques, dirigée par Thémistocle, affronter l'Empire perse, mené par Xerxès Ier. Cette bataille navale se déroule en 480 av. J.-C. dans le détroit entre le continent et l'île de Salamine, située dans le golfe Saronique près d'Athènes. La victoire inespérée des Grecs, largement surpassés en nombre, est le point culminant de la seconde invasion perse.

Dans l'idée d'arrêter l'immense infanterie perse, une armée de soldats grecs, sous contrôle spartiate, bloque le défilé des Thermopyles, alors que la flotte grecque, menée par les navires athéniens, engage le combat contre les Perses près du détroit de l'Artémision. L'arrière-garde de l'infanterie grecque est détruite à la bataille des Thermopyles et la marine grecque ne peut arracher une victoire aux Perses lors de la bataille de l'Artémision. Ces deux événements permettent aux Perses de conquérir la Phocide, la Béotie, l'Attique et l'Eubée. Entretemps, les alliés grecs se préparent à défendre l'isthme de Corinthe et la flotte grecque se retire près de l'île de Salamine.

Même s'ils sont largement surpassés en nombre, Thémistocle persuade les alliés grecs de s'engager dans une bataille décisive, espérant que la victoire grecque empêchera les Perses d'envahir le Péloponnèse. Le roi Xerxes Ier recherche aussi une bataille décisive. À la suite d'un subterfuge des Alliés, la flotte perse entre dans le détroit de Salamine. Elle y est tellement à l'étroit qu'elle ne peut plus manœuvrer efficacement et sa supériorité numérique n'est plus un avantage. La flotte grecque forme alors une ligne et détruit un nombre élevé de navires perses. Cette victoire, combinée à celles de Platées et du cap Mycale, diminue considérablement les forces armées perses dans la région. Par la suite, les Grecs entreprennent de les repousser, avec succès, vers l'Asie pendant les trente années suivantes. Selon plusieurs historiens, une victoire perse aurait durablement paralysé le développement de la Grèce antique et, par extension, empêché l'éclosion de la culture occidentale.

Sources

Photo couleur d'une sculpture représentant le buste de d'Hérodote.
Buste d'Hérodote, palais Massimo alle Terme.

La principale source sur les guerres médiques est l'historien grec Hérodote2. Surnommé le « Père de l’Histoire » par Cicéron3, il est né en 484 av. J.-C. en Asie mineure alors sous domination perse4. Il rédige ses Histoires vers 440–430 av. J.-C., essayant de retracer l'origine des guerres médiques. L'approche d'Hérodote, nouvelle, se poursuit aujourd'hui. En effet, selon Tom Holland : « [pour] la première fois, un chroniqueur cherche à faire remonter les origines d'un conflit, non pas à un passé assez lointain pour être tout à fait fabuleux, ni aux caprices et aux désirs d'un dieu, ni à la prétention d'un peuple à une destinée manifeste, mais plutôt à des explications qu'il peut vérifier personnellement »trad 1,5.

Quelques historiens ultérieurs de l'Antiquité le critiquent, même s'ils suivent ses pas, notamment Thucydide6,7. Malgré tout, ce dernier commence son histoire de la guerre du Péloponnèse là où Hérodote arrête les siennes (au siège de Sestos en 479 av. J.-C.) ; il reconnaît donc de façon implicite que les Histoires d'Hérodote sont suffisamment exactes pour ne pas avoir à les réécrire ou les corriger7Plutarque critique Hérodote dans son essai Sur la malignité d'Hérodote, le qualifiant de « philobarbaros » (ami des Barbares), parce qu'il ne montre pas suffisamment les Grecs sous leur meilleur jour, ce qui laisse supposer qu'Hérodote aurait fait preuve de neutralité8. Cette appréciation négative d'Hérodote s'est transmise en Europe jusqu'à la Renaissance, époque où il est néanmoins encore étudié9. Sa réputation se rétablit pendant le xixe siècle à la suite des découvertes archéologiques qui confirment ses dires10. Au xxie siècle, les spécialistes considèrent ses Histoires comme généralement fiables, mais plusieurs détails prêtent à débat (particulièrement le nombre de soldats et les dates) et doivent donc être considérés avec prudence10. Néanmoins, certains historiens pensent qu'il a forgé de toutes pièces la majeure partie de ses Histoires11.

Diodore de Sicile, même s'il s'accorde le plus souvent avec Hérodote pour cette bataille, rapporte des différences avec son devancier. Par exemple, il indique que les Athéniens évacuent leur ville à la suite d'un décret, et non pas « sous l'influence de l'oracle de Delphes ou à la suite du prodige de la déesse sur l'Acropole »12.

Des artefacts archéologiques, telle la colonne serpentine (partie de l'hippodrome de Constantinople actuel), soutiennent les affirmations d'Hérodote13.

Contexte

Carte géographique en couleur avec quelques courbes en couleur
Une carte de presque toutes les parties de la Grèce antique qui ont pris part aux guerres médiques.

Les cités-États grecques d'Athènes et d'Érétrie ont stimulé la malheureuse révolte de l'Ionie contre l'Empire perse de Darius Ieren 499-494 av. J.-C. Relativement récent, cet Empire est encore le théâtre de révoltes contre le pouvoir central14,15. De plus, Darius est un usurpateur et a pris un temps considérable pour mater les révoltes contre son règne14.

La révolte de l'Ionie menace l'intégrité de son territoire ; Darius a donc juré de punir les responsables, particulièrement les Athéniens ; en effet, « il ne tint aucun compte des Ioniens, sachant bien que leur révolte ne resterait pas impunie »16. Darius apprécie aussi l'opportunité d'étendre son Empire dans la belliqueuse Grèce antique17. Une expédition préliminaire sous le commandement de Mardonios en 492 av. J.-C., pour prendre le contrôle de territoires à proximité de la Grèce, permet de conquérir la Thrace et oblige la Macédoine à devenir cliente de l'Empire perse18.

Darius envoie des émissaires à toutes les cités-États grecques en 491 av. J.-C. pour exiger « de l'eau et de la terre » en signe de soumission19. Ayant eu une démonstration de son pouvoir l'année précédente, la majorité des cités grecques se soumettent. À Athènes, toutefois, les ambassadeurs sont soumis à un procès puis exécutés ; à Sparte, ils sont simplement jetés dans un puits19,20. Sparte et Athènes ont donc décidé d'entrer en guerre contre l'Empire perse19.

Darius Ier regroupe une force amphibie en 490 av. J.-C., sous le commandement de Datis et Artapherne qui attaquent Naxos la même année, avant de recevoir la soumission des autres Cyclades. La force armée se rend ensuite à Érétrie, qu'elle assiège puis détruit21. Finalement, elle se rend à Athènes, débarquant dans la baie de Marathon, où elle affronte l'armée ennemie, plus petite mais plus lourdement armée. Contre toute attente, les Athéniens gagnent la bataille de Marathon, ce qui oblige les débris de l'armée perse à se réfugier en Asie22.

Darius, en prévision d'une seconde invasion, commence à lever une armée plus grande pour complètement subjuguer la Grèce. Cependant, en 486 av. J.-C., ses sujets égyptiens se révoltent, ce qui l'oblige à suspendre ses projets d'invasion15. Il meurt pendant les préparatifs ; son fils Xerxès Ier occupe à son tour le trône perse23. Il écrase la révolte égyptienne, puis reprend rapidement le projet d'invasion de son père24. S'agissant d'une invasion à grande échelle, il planifie des entrepôts et lance une conscription24. Xerxès décide d'une part de faire fabriquer un pont au-dessus de l'Hellespont (Dardanelles), pour permettre à son armée de traverser à pied sur le continent européen, et d'autre part de faire creuser un canal à travers l'isthme du mont Athos25. Ces deux ouvrages sont d'une ampleur exceptionnelle pour l'époque25. Pourtant, au début de 480 av. J.-C., les préparatifs sont achevés et, avec l'armée regroupée à Sardes, Xerxès marche vers l'Europe, les soldats franchissant l'Hellespont sur deux ponts flottants26. Selon Hérodote, l'armée de Xerxès est si vaste que, arrivée sur les rives du fleuve Echedoros, les soldats l'épuisent complètement pour étancher leur soif. Devant une telle force, plusieurs cités grecques préfèrent accéder aux demandes perses qui exigent le tribut de l'eau et de la terre27.

Portrait de côté de la tête d'un homme barbu portant un casque
Buste de Thémistocle.

Les Athéniens, de leur côté, se préparent à la guerre depuis le milieu des années 480 av. J.-C. En 482, la décision est prise, sous la supervision de l'homme politique athénien Thémistocle, de construire une grande flotte de trières qui sera essentielle pour s'opposer efficacement aux Perses28. Toutefois, les Athéniens manquent de soldats pour combattre à la fois sur terre et sur mer ; en conséquence, pour vaincre, Athènes doit obtenir la collaboration d'autres cités-États grecques. En 481 av. J.-C., Xerxès envoie des ambassadeurs en Grèce pour exiger le tribut « de l'eau et de la terre » tout en omettant délibérément de les envoyer à Athènes et Sparte29. En réaction, les cités-États commencent à apporter leur soutien aux deux cités. Un congrès de cités-États à Corinthe à la fin de 481 av. J.-C.30 mène à la création d'une confédération de cités-États. Celle-ci jouit du pouvoir d'envoyer des plénipotentiaires pour demander de l'aide et envoyer des troupes des cités membres aux lieux à défendre, après consultation conjointe. Cette collaboration est remarquable dans ce monde grec disjoint, d'autant plus que plusieurs membres de la confédération sont toujours en guerre les uns contre les autres31.

Le « congrès » se réunit à nouveau au printemps de 480 av. J.-C. Une délégation de Thessalie suggère de concentrer les forces grecques dans la vallée de Tempé, à la frontière de Thessalie, où elle pourrait bloquer l'avance de l'armée de Xerxès Ier32. Une force de 10 000 hoplites est envoyée dans la vallée, les Grecs croyant y affronter l'armée perse. Néanmoins, sur place, avertie par Alexandre Ier de Macédoine que les Perses peuvent emprunter le passage de Sarantoporo (et donc éviter la vallée) et que l'armée de Xerxès est immense, l'armée grecque fait retraite33. Peu après, les Grecs apprennent que l'armée de Xerxès a franchi l'Hellespont32.

Thémistocle propose une seconde stratégie. La route méridionale de la Grèce (BéotieAttique et Péloponnèse) emprunte le défilé des Thermopyles, là où les hoplites grecs pourraient facilement bloquer l'immense armée perse34. De plus, pour interdire à l'armée de Xerxès de contourner le défilé par la mer, les navires d'Athènes et des alliés pourraient bloquer le détroit de l'Artémision. Le congrès adopte ce plan34. En même temps, les cités du Péloponnèse mettent au point un plan de rechange pour défendre l'isthme de Corinthe. Les femmes et les enfants d'Athènes sont évacués massivement vers Trézène, cité du Péloponnèse35.

Aux Thermopyles, les soldats grecs bloquent les forces perses pendant trois jours, puis sont contournés, ce qui permet aux Perses de massacrer l'arrière-garde avant de poursuivre l'invasion36. Simultanément, la bataille de l'Artémision ne voit aucun vainqueur émerger37. Lorsque les nouvelles de la défaite des Thermopyles parviennent aux oreilles des marins grecs, la flotte alliée fait retraite puisque le blocus du détroit de l'Artémision ne suffirait plus à retenir les forces perses38.

Prélude

Détroit de Salamine aujourd'hui, vu du sud.
La marine perse (en rouge) entre par l'est (à la droite) pour affronter la flotte grecque (en bleu) dans le détroit, selon une reconstitution possible.

La flotte alliée rame de l'Artémision à Salamine pour soutenir l'évacuation d'Athènes. En route, Thémistocle laisse des messages à toutes les sources d'eau potable à l'intention des Grecs d'Ionie à bord des navires perses, leur demandant de faire défection39,40. À la suite de la bataille des Thermopyles, l'armée perse avance en Grèce, où elle pille et brûle Platées et Thespies, villes de la Béotiequi ont refusé de se soumettre, avant de se diriger vers Athènes, dorénavant évacuée41. Les alliés, principalement des Péloponnésiens, préparent la défense de l'isthme de Corinthe, détruisant la seule route qui permet de le franchir et élevant un mur42.

Cette stratégie est toutefois sans intérêt si la flotte alliée ne peut empêcher les navires perses de transporter des troupes à travers le golfe Saronique. Lors d'un conseil de guerre tenu après l'évacuation d'Athènes, le commandant naval de Corinthe, Adimante de Corinthe, argue que la flotte devrait s'assembler près des côtes de l'isthme pour verrouiller le passage43. Thémistocle, pour sa part, préfère une stratégie offensive dans le but de réduire durablement la supériorité navale des Perses. Il a tiré une leçon de la bataille de l'Artémision : « en combattant dans un lieu étroit […], nous remporterons […] une grande victoire, parce qu'un détroit nous est autant avantageux que la pleine mer l'est aux ennemis »44,43. Il obtient gain de cause ; la flotte grecque reste près des côtes de Salamine45.

La chronologie de Salamine est difficile à établir46. Hérodote sous-entend que la bataille commence après la prise d'Athènes. Si les batailles de Thermopyles et de l'Artémision commencent en septembre, alors celle de Salamine aurait aussi commencé en septembre, mais les Perses ont dû prendre quelques semaines pour capturer Athènes, réparer les navires et réapprovisionner46. De plus, Xerxès a dû tenir un conseil de guerre avec les commandants de la flotte ; selon Hérodote, cette réunion s'est déroulée à Phalère47Artémise Ire, reine d'Halicarnasse qui commande son escadre de navires dans la marine perse, essaie de convaincre Xerxès d'attendre la reddition des Alliés car elle juge que la bataille dans le détroit de Salamine est trop risquée47. Xerxès et son général Mardonios passent outre son conseil et préfèrent passer à l'offensive48.

Aujourd'hui, il est impossible de connaître l'élément déclencheur de la bataille, si nous faisons l'hypothèse qu'aucun des adversaires n'a attaqué sans planification préalable46. Un peu avant la bataille, Xerxès apprend que des désaccords existent parmi les chefs grecs ; les Péloponnésiens veulent évacuer le détroit de Salamine pendant qu'ils le peuvent49. Cette prétendue discorde parmi les alliés était peut-être une ruse visant à inciter les Perses à engager le combat50. Toutefois, ce changement d'attitude parmi les alliés (qui avaient attendu au moins une semaine près des côtes de Salamine pendant qu'Athènes était attaquée) était peut-être la conséquence des manœuvres offensives des Perses46. Des soldats perses avaient peut-être été envoyés dans l'isthme de Corinthe pour énerver les commandants de la flotte alliée46,50.

Quoi qu'il en soit, quand Xerxès reçoit cette information, il ordonne à la flotte de se diriger vers la côte de Salamine, bloquant ainsi la voie méridionale50. Puis, au crépuscule, il ordonne à la flotte de faire retraite, peut-être dans le but d'influencer les Grecs à sortir rapidement du détroit50. Ce soir-là, Thémistocle organise un projet de désinformation, qui semble avoir obtenu le succès espéré : il envoie son serviteur Sicinnos auprès de chefs perses, porteur d'un message qui déclare que Thémistocle, « qui est bien intentionné pour le roi, et qui préfère le succès de vos armes à celui des Grecs, m’a dépêché vers vous à leur insu, avec ordre de vous dire que les Grecs, effrayés, délibèrent s’ils ne prendront point la fuite51 ». Le messager ajoute que les Perses, pour être victorieux, n'ont qu'à bloquer le détroit de Salamine51. Par ce subterfuge, Thémistocle semble rechercher le résultat inverse : leurrer les navires perses dans le détroit50. C'est exactement le genre d'information que Xerxès veut entendre : que les Athéniens veulent se soumettre, ce qui lui permettra de détruire le restant de la flotte alliée50. Le roi achéménide ordonne, dès le soir, à la flotte perse de bloquer les accès au détroit52. Il fait installer un trône sur les pentes du mont Aigáleo, d'où il pourra observer facilement la bataille tout en notant le nom des meilleurs commandants53.

Selon Hérodote, les Alliés passent la soirée à débattre vivement de la suite des opérations54. Les Péloponnésiens veulent évacuer55 ; c'est à ce moment que Thémistocle conçoit son projet de désinformation51. Dans la nuit arrive Aristide le Juste, un Athénien anathématisé, suivi plus tard de marins qui ont déserté l'armée perse ; ils portent la nouvelle que la flotte perse s'est déployée dans le détroit56,57. Les Péloponnésiens se résignent à combattre58. Selon l'historien Tom Holland, ils agissaient peut-être de concert avec Thémistocle, puisqu'ils acceptent avec sérénité le combat59.

La marine grecque se prépare ensuite pour le combat du lendemain, pendant que la flotte perse recherche vainement son adversaire dans le détroit. Le lendemain matin, les Perses entrent dans le détroit pour attaquer les navires grecs. Les historiens modernes ignorent les raisons, le moment exact et qui a pris la décision d'attaquer ; ce qui est clair toutefois, c'est que les Perses engagent les combats53.

Forces en présence

Marine grecque
Flotte de trières selon les mesures de l’Olympias (réplique d'une trière aux mêmes dimensions).

Hérodote rapporte une flotte alliée de 378 trières, puis détaille leur nombre selon les cités-États60. Toutefois, la somme des nombres monte à 371. Il ne mentionne pas que tous les 378 trières ont combattu à Salamine (« Tous ces peuples fournirent des trirèmes […] Le nombre de ces vaisseaux allait en tout à trois cent soixante-dix-huit, sans compter ceux qui étaient à cinquante rames. »)61 et indique que les Éginètes « envoyèrent quarante-deux vaisseaux ; ils en avaient encore quelques autres d’équipés, mais ils s’en servirent pour la garde de leur pays »62. Il est donc probable que la différence entre ces nombres est due à une garnison de douze navires laissé à Égine. Selon Hérodote, deux autres navires ont fait défection chez les Perses pour rejoindre les Grecs, un avant la bataille de l'Artémision et l'autre avant la bataille de Salamine ; le nombre total de navires serait donc de 373 (ou 380)63.

salamine04b

Selon le tragédien athénien Eschyle, qui a combattu à Salamine, la flotte grecque montait à 310 trières (la différence étant le nombre de navires athéniens)64Ctésias affirme que la flotte athénienne comprenait 110 trières, ce qui confirme les dires d'Eschyle65. Selon Hypéride, la flotte grecque n'a atteint que 220 navires66. La flotte se trouve dans les faits sous le commandement de Thémistocle mais officiellement sous les ordres de l'aristocrate spartiate Eurybiade, tel qu'entendu lors du congrès des cités-États de 481 av. J.-C.67. En effet, lorsque l'Athénien Thémistocle a demandé le commandement de la flotte, les autres cités-États avec des navires se sont opposées ; à titre de compromis, Sparte a officiellement reçu le commandement même si elle n'a aucune expérience de combat naval67.

Nombre de navires alliés à la bataille de Salamine selon Hérodote60
CitéNombre
navires
 CitéNombre
navires
 CitéNombre
navires
Athènes68 180   Corinthe69,70 40   Égine62 30
Chalcis62,69 20   Mégare69,71 20   Sparte70 16
Sicyone70 15   Épidaure70 10   Érétrie62 7
Ambracie71 7   Trézène70 5   Naxos62 4
Leucade71 3   Hermione70 3   Styra62 2
Kythnos62 1 (1)   Kéa62 2   Milos61,62 (2)
Sifnos61,62 (1)   Sérifos61,62 (1)   Crotone72 1
Total 371 ou 37861 (5)
(Les nombres seuls indiquent les trières ;
ceux entre parenthèses indiquent le nombre de pentécontères — navires à cinquante rames.)
Marine perse
Le dynaste lycien Kubernis (520-480 av. J.-C.), à la droite de ce bas-relief, dirige 50 navires lydiens de la flotte achéménide.

Selon Hérodote, la flotte perse comprend au départ 1 207 trières73. Selon ses calculs, les Perses auraient perdu environ le tiers de celle-ci dans une tempête près des côtes de Magnésie du Méandre74. Deux cents autres, ou plus, le long de la côte d'Eubée75 et au moins cinquante navires pendant la bataille de l'Artémision75,76. L'historien grec déclare que toutes les unités perdues ont été remplacées77, mais ne mentionne que 120 navires des Grecs de la Thrace et des îles environnantes comme renforts78Eschyle, qui a combattu à Salamine, affirme aussi avoir observé mille deux cents navires de guerre64Diodore de Sicile indique plus de mille deux cents79Lysias80 avance également une flotte perse de mille deux cents navires assemblés à Doriskos au printemps de 480 av. J.-C. Éphore de Cumes avance 1 207 navires (au début de l'affrontement seulement)81, alors que son professeur Isocrate indique mille trois cents à Doriskos et mille deux cents à Salamine82,83Platon, parlant en termes généraux, indique mille navires et plus84Ctésias indique mille navires65.

Hérodote détaille les navires achéménides présents à la bataille85 :

NationNombre
navires
 NationNombre
navires
 NationNombre
navires
Phénicie 300   Égypte 200   Chypre 150
Cilicie 100   Ionie 100   Phrygie hellespontique 100
Carie 70   Éolide 60   Lycie 50
Pamphylie 30   Doriens 30   Cyclades 17
Total 1207

Le nombre 1 207 apparaît assez tôt dans les archives historiques (472 av. J.-C.). En conséquence, les Grecs croient avoir affronté autant de navires. À cause de la cohérence des sources antiques, des historiens modernes jugent qu'il s'agit de la taille initiale de la flotte perse86,87,88 ; d'autres rejettent ce nombre, avançant qu'il s'agit des 1 207 navires de l’Iliade et proposant que la flotte perse est d'environ 600, le maximum pouvant être déployé dans la mer Égée88,89,90. D'autres historiens soutiennent une fourchette de 600 à 800 navires dans la mer Égée91,92. C'est aussi la fourchette obtenue après avoir additionné le nombre approximatif de navires perses après la bataille de l'Artémision(cinq cent cinquante) à la taille du renforcement (cent vingt) mentionnée par Hérodote78.

Considérations stratégiques et tactiques

Bataille de Salamine, dans une illustration du xixe siècle. Le navire à la gauche comprend six boucliers. Sur ceux-ci, des emblèmes sont dessinés. De gauche à droite, ils représentent :
1. Pégase : Corinthe93 ;
2. Coq : symbole de la résistance grecque94 ;
3. Chien : symbole de fidélité et de courage95 ;
4. Svastika : en fait, un gammadion ou un tétra-gammadion96,97, qui est un symbole de la Grèce antique ;
5. Chouette : Athènes98 ;
6. Serpent : Épidaure99.
À la proue du même navire apparaît la tête d'un cygne. C'est un allusion au dernier effort avant le repos, la retraite ou la mort. L'oiseau est aussi symbole de lumière, de pureté100.

Lors de la planification de leur invasion de 480 av. J.-C., les Perses veulent submerger les Grecs par une immense force d'invasion, puis compléter la conquête de la Grèce par une campagne militaire en une seule saison101. À l'opposé, les Grecs veulent faire un usage optimal de leur petite armée en défendant quelques lieux tout en maintenant les Perses sur le pied de guerre le plus longtemps possible. Xerxès n'avait pas du tout envisagé une résistance acharnée, sinon il serait arrivé plus tôt pour jouir plus longtemps d'une saison favorable à sa campagne (par exemple, il n'aurait pas attendu quatre jours aux Thermopyles dans l'espérance que les Grecs se dispersent)102. L'époque favorable à ses projets oblige Xerxès à agir rapidement, il est en effet incapable de maintenir sur le pied de guerre son immense armée sur une longue période ; de plus, son absence prolongée pourrait susciter des problèmes dans son empire103. La bataille des Thermopyles lui a démontré qu'un assaut frontal contre des positions grecques très bien défendues ne porte aucun fruit. Les Alliés étant bien retranchés sur l'étroit isthme de Corinthe, il n'a que peu de chances de conquérir le reste de la Grèce par terre104. Les Thermopyles lui ont également montré que si les forces grecques étaient débordées, elles pourraient être détruites à cause de leurs faibles effectifs105. Pour déborder l'isthme, il doit donc utiliser sa marine pour transporter son armée et doit détruire en premier lieu la flotte grecque. Une fois détruite, Xerxès serait en position d'exiger la capitulation des Grecs ; puisque la saison de campagne est courte, il table sur le succès de cette opération103. Pour leur part, les Alliés veulent éviter la destruction de leur flotte et Thémistocle, leur général, espère que, si la flotte perse était sévèrement endommagée ou, mieux, en grande partie détruite, l'invasion perse serait arrêtée106.

Stratégiquement, les Perses n'ont aucun intérêt de combattre à Salamine105. Selon Hérodote, Artémise Ire d'Halicarnasse a suggéré à Xerxès de renoncer :

« Si, au lieu de vous presser de combattre sur mer, vous retenez ici vos vaisseaux à la rade, ou si vous avancez vers le Péloponnèse, vous viendrez facilement à bout, seigneur, de vos projets ; car les Grecs ne peuvent pas faire une longue résistance ; vous les dissiperez, et ils s’enfuiront dans leurs villes, car ils n’ont point de vivres dans cette île, comme j’en suis bien informée ; et il n’est pas vraisemblable que, si vous faites marcher vos troupes de terre vers le Péloponnèse, les Péloponnésiens qui sont venus à Salamine y restent tranquillement ; ils ne se soucieront pas de combattre pour les Athéniens107. »

— Hérodote

La marine perse est suffisamment grande pour à la fois contenir la flotte grecque dans le détroit de Salamine et pour débarquer des soldats dans le Péloponnèse105. Néanmoins, les deux adversaires misent sur une seule bataille navale décisive, souhaitant mettre un terme à la guerre106.

Les Perses jouissent d'un avantage tactique significatif, surpassant en nombre les Alliés et profitant de navires plus performants108. Cette meilleure performance, mentionnée par Hérodote, est probablement une allusion aux meilleurs équipages perses108, la plupart des navires grecs (et donc la majorité de la flotte alliée) ayant été nouvellement construits à la demande de Thémistocle. Il a demandé aux Athéniens en 483 av. J.-C. de construire 200 trières ; ces équipages sont donc inexpérimentés. Même si ces marins ont peu d'expérience, ces trières s'avéreront décisives dans la future bataille109. Les deux tactiques les plus fréquemment employées à cette époque dans la mer Méditerranée sont l'éperonnage (les trières sont pourvues d'un bélier à la proue) et l'abordage par un groupe de soldats embarqués110. Les Perses et les Grecs asiatiques ont toutefois ajouté une manœuvre appelée diekplous. Les ouvrages antiques n'offrent pas suffisamment d'indices pour la comprendre complètement, mais les historiens modernes pensent que les navires d'attaques s'infiltrent entre les navires ennemis, puis modifient leur course pour éperonner le côté des navires, la partie la plus fragile de la coque110. Cette manœuvre exige des marins bien entraînés et les Perses auraient été plus susceptibles d'y recourir ; toutefois, les Alliés ont mis au point une tactique pour s'opposer à la diekplous110.

Les historiens ont régulièrement débattu sur les flottes en présence. Leurs échanges ont porté le plus souvent sur l'affirmation d'Hérodote qui indique que les navires alliés sont plus lourds et donc moins manœuvrables44. Les raisons pour lesquelles ils sont plus lourds sont inconnues, mais trois hypothèses ont été avancées, sans confirmation : les navires alliés étaient plus gros, leur structure en bois était détrempée parce qu'ils n'avaient pas été mis à sécher pendant l'hiver ou encore ils embarquaient des hoplites en armures (20 hoplites complètement armés pèseraient environ deux tonnes)110. Cette lourdeur aurait empêché les alliés de recourir au diekplous110. Il est donc plus probable que les navires alliés ont embarqué des soldats excédentaires pour compenser leur manque de mobilité, l'abordage restant leur seule tactique valable (au prix de navires plus lourds)110. En soutien de cette hypothèse, Hérodote rapporte que les Grecs ont capturé les navires à la bataille de l'Artémision au lieu de les couler76. Le poids des navires alliés aurait pu aussi jouer en leur faveur, parce qu'ils sont plus stables face aux vents à proximité de Salamine111 et moins susceptibles de couler s'ils sont éperonnés.

Les Perses préfèrent une bataille navale sur une grande surface, en pleine mer, là où ils peuvent profiter de leur supériorité numérique et d'équipages mieux entraînés53. Pour les Alliés, une victoire décisive ne peut être obtenue que si les Perses regroupent leur flotte dans un espace resserré, où leur nombre ne serait plus décisif43. La bataille de l'Artémision a été une tentative de réduire les avantages perses, mais les Alliés ont conclu que le champ de bataille était encore trop grand pour obtenir une victoire décisive et ils doivent donc les amener à combattre sur une surface plus petite112. En ramant dans le détroit de Salamine pour affronter les Alliés, les Perses jouent le jeu de leur adversaire. Cette décision est peut-être due à la confiance excessive que les Perses ont de détruire la flotte alliée ; le subterfuge de Thémistocle joue donc un rôle prépondérant dans la modification de l'équilibre des forces en présence53. En résumé, Salamine a été pour les Perses une bataille futile et une erreur stratégique105.

Bataille

Manœuvres des navires pendant la bataille de Salamine, selon une reconstitution possible. En bleu, les forces alliées ; en rouge, les forces perses.

La bataille de Salamine n'est pas clairement décrite par les auteurs antiques, Hérodote compris. Il est donc probable qu'aucun participant à la bataille, sauf Xerxès Ier, n'a eu une vue d'ensemble de la bataille dans le détroit de Salamine50,113. Ce qui suit est donc une discussion qui s'appuie sur des hypothèses plutôt qu'un compte rendu fidèle.

Disposition des forces

Dans la flotte alliée, les Athéniens occupent l'aile gauche, alors que sur la droite se tiennent les navires spartiates (mais Diodore mentionne qu'il s'agit des Mégaréens et des Éginètes) ; le centre est composé de navires de plusieurs origines114,115. La flotte alliée est probablement regroupée en deux files séparées, l'ouverture sud du détroit ne pouvant laisser passer plus qu'un bateau grec à la fois116. Hérodote décrit la flotte sur une ligne selon un axe nord-sud, son flanc nord près de la côte de l'îlot moderne de Saint George (Ayios Georgis) et son flanc sud près de la côte du cap Vavari (partie de Salamine)117Diodore de Sicile indique plutôt que la flotte alliée est alignée selon un axe est-ouest, s'allongeant dans les eaux entre l'île de Salamine et le mont Aigáleo ; toutefois, il est peu probable que les alliés aient exposé l'un des flancs de leur flotte à un territoire occupé par les Perses117.

Selon toute probabilité, la flotte perse reçoit l'ordre de bloquer la sortie sud du détroit, ce qu'elle fait le soir précédant la bataille. Hérodote croit avec certitude que des navires perses sont entrés à la nuit tombante dans le détroit dans le but de capturer les vaisseaux alliés qui s'enfuiront118. Cette description prête toutefois à débat parmi les historiens modernes, quelques-uns décrivant les difficultés à manœuvrer de nuit dans un espace aussi restreint et d'autres reconnaissant comme vraie la version d'Hérodote119,120. Aujourd'hui, les deux hypothèses les plus souvent retenues sont : la nuit, les Perses ont bloqué la sortie sud du détroit puis sont entrés dans le détroit la journée suivante ou ils sont entrés dans le détroit et ont positionné leurs navires pour la bataille pendant la nuit119,120. Peu importe le moment où ils ont manœuvré, il est probable qu'ils ont fait pivoter leur flotte à la hauteur du cap Vavari ; ils ont donc modifié l'alignement de leurs vaisseaux d'un axe est-ouest (pour bloquer la sortie du détroit) à un alignement nord-sud (voir diagramme ci-contre)121. La flotte perse aurait alors formé trois files de navires (selon Eschyle)50, les puissants navires phéniciens occupant l'aile droite près du mont Aigáleo, le contingent ionien se trouvant sur l'aile gauche et les autres navires au centre114.

Diodore affirme que la flotte égyptienne a été envoyée pour bloquer la sortie nord du détroit122. Si Xerxès a souhaité encercler complètement les alliés, cette manœuvre a du sens (particulièrement s'il croit que les Alliés vont refuser le combat)50. Néanmoins, Hérodote ne mentionne pas la flotte égyptienne, sinon sa présence lors de la bataille principale, menant quelques historiens modernes à rejeter sa présence avant ou pendant la bataille121, d'autres jugeant que c'est possible50. Xerxès a aussi placé quatre cents soldats sur l'île de Psyttália, au milieu de la sortie sud du détroit, leur donnant l'ordre de tuer ou de capturer tout Grec qui y poserait le pied (à la suite d'une tentative de s'échapper par exemple)53.

Préparatifs
Des trières grecques à Salamine.

Peu importe le moment où la flotte perse entre dans le détroit, elle n'attaque pas avant l'aube. Les Alliés n'ayant jamais envisagé de fuir, ils auraient profité de la nuit pour se préparer et, après un discours de Thémistocle, les marins embarquent et préparent les voiliers58. Selon Hérodote, les Perses « fondirent »dès l'aube sur les navires grecs, probablement parce que la flotte alliée n'était pas en position de combat58,123. Si les attaquants n'étaient entrés qu'à l'aube dans le détroit, les Alliés auraient eu suffisamment de temps pour organiser leur défense119.

Eschyle affirme que les Perses entendent les Grecs chanter leur hymne de guerre, un péan, avant de les apercevoir :

ὦ παῖδες Ἑλλήνων ἴτε
ἐλευθεροῦτε πατρίδ᾽, ἐλευθεροῦτε δὲ
παῖδας, γυναῖκας, θεῶν τέ πατρῴων ἕδη,
θήκας τε προγόνων: νῦν ὑπὲρ πάντων ἀγών
124

Allez, fils de la Grèce,
Libérez votre patrie, libérez
Vos enfants, vos femmes, les temples des dieux de vos pères,
Les tombes de vos ancêtres ; c'est le moment où jamais125 !

Bataille de Salamine selon Wilhelm von Kaulbach (détail).

Hérodote raconte que, selon les Athéniens, les Corinthiens ont fui vers le nord du détroit dès le début de la bataille. Toutefois, d'autres Grecs ont nié cette fuite126. Si cette fuite a réellement eu lieu, peut-être que les Alliés ont souhaité leurrer les Perses tout en poursuivant une mission de reconnaissance au nord du détroit, envisageant la possibilité d'un blocus imminent119. Le départ des Corinthiens est peut-être également une manœuvre pour amener les Perses à attaquer, voyant la désintégration de la flotte alliée119. Peu importe leur intention, s'ils ont vraiment quitté, les Corinthiens sont rapidement revenus sur le champ de bataille126.

Pendant qu'elle approche des navires grecs, la flotte perse s'entasse de plus en plus dans le détroit et devient désorganisée115,119. Entretemps, les navires grecs prennent position dans des files, prêts à passer à l'attaque116,119. Néanmoins, plutôt que d'attaquer immédiatement, les navires alliés manœuvrent de façon à donner l'impression de se retirer, craignant la flotte perse123. Selon Plutarque, c'est pour à la fois améliorer leur position et attendre le vent matinal127. Hérodote raconte « qu’un fantôme apparut aux Grecs sous la forme d’une femme, et que, d’une voix assez forte pour être entendue de toute la flotte, il les anima après leur avoir fait des reproches : « Malheureux, quand cesserez-vous donc de reculer128 ? » Hérodote raconte qu'alors que la flotte alliée recule, un seul navire change de direction dans le but d'éperonner le navire perse le plus proche. Les Athéniens clament qu'il s'agit d'un navire de Cassandréia ; les Éginètes disent que c'est l'un des leurs123. L'ensemble de la flotte grecque change de direction et avance vers la ligne de bataille perse qui est désorganisée129.

Déroulement
Mort de l'amiral Ariabignès (un frère de Xerxès) tôt dans la bataille (illustration de Plutarch's Lives for Boys and Girls, c. 1910).

La bataille proprement dite est mal connue, et personne n'a pu observer l'ensemble des combats119. Les trières sont généralement dotées d'un gros bélier à la proue, qui peut servir à couler un navire ennemi sinon le rendre inopérant après avoir brisé une rangée de rames d'un côté ou l'autre du navire110,130. Si la première tentative d'éperonnage échoue, des marins embarquent sur le navire ennemi et, souvent, une bataille s'ensuit110. Chaque flotte transporte des marins entraînés aux combats ; les navires grecs emportant des hoplites en armes119, les Perses préférant semble-t-il des hommes plus légèrement armés131.

La bataille est déjà engagée quand un vent très fort se lève, selon Plutarque : « Thémistocle ne fut pas moins habile, ce semble, à choisir le moment que le lieu du combat : il prit garde de n’engager l’action, contre la flotte des barbares, qu’à l’heure où il souffle régulièrement de la mer un vent très-fort, qui soulève les vagues dans le détroit111. » Ce vent ne gêne pas les navires grecs dont les superstructures sont peu élevées, mais désavantage nettement les bateaux, en particulier phéniciens, dont la poupe est haute et le tillac surélevé : « Mais ceux des barbares, qui avaient la proue relevée, le pont très-haut, et qui étaient pesants à la manœuvre, tournoyaient sous l’effort, et ils présentaient le flanc aux Grecs », écrit encore Plutarque111. En outre, sous l'effet de ce roulis, les archers perses déstabilisés ne peuvent faire usage de leur arc contre les hoplites et les rameurs des trières grecques. S'il est peu plausible que Thémistocle ait attendu ces vents étésiens pour aborder la flotte perse, d'autant qu'il n'a pas le choix de l'heure de l'engagement, il est en revanche fort possible qu'il ait attendu ce moment propice pour engager ses réserves qui, le vent aidant, achèvent de semer le désarroi dans les rangs adverses.

Sur le champ de bataille, la première ligne de la flotte perse étant repoussée par les Alliés, les navires perses reculent dans les seconde et troisième lignes de leur flotte132. Sur le flanc gauche des Grecs, l'amiral perse Ariabignès (un frère de Xerxès)132 est tué tôt dans la bataille ; sans chef et désorganisées, les escadres perses auraient été repoussées jusque sur la côte, plusieurs vaisseaux s'échouant119. Au centre, des navires grecs, formant un coin, pénètrent les lignes perses, divisant la flotte ennemie en deux119. Selon Plutarque, Ariabignes est tué par Aminias d'Athènes (ou de Pallène) et Soclès (Σωκλής) de Pallène. Quand Ariabignes tente de les aborder, ils le frappent avec leur lance puis jettent son corps à la mer133. Plutarque mentionne qu'Artémise Ire est la première à le reconnaître parmi les débris flottants ; elle va ramener son corps à Xerxès134.

Artémise Ire, reine d'Halicarnasse et commandant du contingent carien de la flotte achéménides, à la bataille de Salamine, décochant des flèches aux Grecs (détail d'une toile de Wilhelm von Kaulbach)135

Hérodote rapporte qu'Artémise Ire, reine d'Halicarnasse et commandant du contingent carien, a été pourchassée par le navire d'Aminias d'Athènes (ou de Pallène). Pendant sa fuite, son navire éperonne un navire perse, ce qui convainc son poursuivant qu'elle fait partie de la flotte alliée ou l'a rejointe ; Aminias abandonne la poursuite136. Xerxès, qui observe le combat, croit qu'elle a éperonné avec succès un navire grec et, sachant que les autres commandants de sa flotte font piètre figure, aurait dit : « Les hommes se sont conduits en femmes, et les femmes en hommes »137. Le navire ami qu'elle a fait couler est commandé par le roi calyndien Damasithyme(Δαμασίθυμος)136,138. Aucun membre du navire calyndien ne survit à cette attaque139.

La flotte perse commence à faire retraite vers Phalère mais selon Hérodote, les Éginètes leur tendent des embuscades pendant qu'ils tentent de sortir du détroit140. Le reste de la flotte trouve refuge dans le port de Phalerme, protégé par l'armée de Xerxès141. Le général athénien Aristide prend la tête d'un détachement de soldats qui traverse Psyttália et les Grecs massacrent les Perses stationnés sur cette île déserte142. Hérodote n'indique pas les pertes du côté perse. Il écrit que, l'année suivante, la flotte perse comporte 300 trières143. Les pertes dépendent donc du nombre de navires avant la bataille : elle s'élèverait entre 200 et 300 navires selon une estimation de la taille initiale de la flotte perse. Hérodote rapporte que les Perses ont perdu beaucoup plus de soldats que les Grecs parce qu'ils ne savaient pas nager132. Xerxès Ier, assis sur son trône au sommet du mont Aigáleo, a été témoin du carnage144.

Quelques capitaines phéniciens qui ont perdu leur navire accusent les Ioniens de couardise avant la fin de la bataille144. Xerxès, d'humeur massacrante et venant d'observer la capture d'un navire éginète par des Ioniens, ordonne que les Phéniciens soient décapités « afin que des lâches ne pussent plus calomnier des gens plus braves qu’eux »144. Selon Diodore de Sicile, Xerxès a mis à mort les capitaines phéniciens pour avoir commencé la bataille. Il menace en plus de faire tuer tous les autres Phéniciens ; la nuit venue, ces derniers s'enfuient vers l'Asie à bord de leurs navires145.

Suites

Le triomphe de Thémistocle après Salamine (illustration du xixe siècle).

Immédiatement après la bataille de Salamine, Xerxès ordonne la construction de ponts flottants au-dessus du détroit, dans le but d'utiliser son infanterie pour attaquer les Athéniens. Toutefois, les Alliés patrouillent avec confiance le détroit102. Hérodote rapporte que Xerxès tient un conseil de guerre, pendant lequel Mardonios tente de tirer des leçons :

« Seigneur, lui dit-il, ne vous attristez pas de cette perte, et ne la regardez pas comme un grand malheur. Le succès de cette guerre ne dépend pas de vos vaisseaux, mais de votre cavalerie et de votre infanterie. Ces Grecs, qui s’imaginent que tout est terminé, ne sortiront point de leurs vaisseaux pour s’opposer à vos armes, et ceux du continent n’oseront pas s’essayer contre vous. Ceux qui l’ont fait en ont été punis. Attaquons donc sur-le-champ le Péloponnèse, si telle est votre volonté. Mais si vous voulez suspendre vos coups, suspendons-les ; mais cependant ne vous découragez pas. Les Grecs n’ont plus de ressources, et ne peuvent éviter ni l’esclavage, ni le compte que vous leur demanderez du présent et du passé. Voilà, seigneur, ce que vous avez surtout à faire. Mais, si vous avez résolu de vous en retourner avec votre armée, j’ai cet autre conseil à vous donner. Ne permettez pas, seigneur, que les Perses servent de jouet aux Grecs ; vos affaires n’ont encore rien souffert par la faute des Perses, et vous ne pouvez nous accuser de nous être comportés lâchement en quelque occasion. Si les Phéniciens, les Égyptiens, les Cypriens et les Ciliciens ont mal fait leur devoir, leur faute ne nous regarde pas, et l’on ne doit pas nous l’imputer. Maintenant donc, seigneur, puisque les Perses ne sont point coupables, daignez suivre mon conseil. Si vous avez résolu de ne pas rester ici plus longtemps, retournez dans vos États avec la plus grande partie de votre armée ; mais donnez-moi trois cent mille hommes à mon choix, et je m’engage à faire passer la Grèce sous votre joug146. »

La colère de Xerxès Ier observant la bataille depuis son promontoire (détail d'une toile de Wilhelm von Kaulbach).

Craignant que les Grecs ne détruisent les ponts flottants sur l'Hellespont et ne piègent son armée en Europe, Xerxès quitte avec le plus gros de ses forces armées147. Mardonios choisit avec soin les troupes qui doivent rester avec lui en Grèce, retenant l'infanterie et la cavalerie d'élite, dans le but de conquérir la Grèce par la terre102. Les Perses évacuent l'Attique, Mardonios décidant de passer l'hiver en Béotie et en Thessalie ; les Athéniens peuvent donc retourner dans leurs cités en ruines pour y passer l'hiver, également102.

L'année suivante, en 479 av. J.-C., Mardonios s'empare à nouveau d'Athènes et ordonne sa destruction (la seconde sous les Achéménides), alors que l'armée alliée préfère protéger l'isthme de Corinthe. Plus tard, sous la conduite de Spartes, les Alliés acceptent d'attaquer les forces de Mardonios dans le but de reprendre l'Attique148. Mardonios fait retraite vers la Béotie pour leurrer les Grecs sur un terrain dégagé ; les deux adversaires se font face près de Platées(qui a été rasée l'année précédente)148. Toutefois, l'année suivante, en 478 av. J.-C., l'infanterie perse est détruite lors de la bataille de Platées, tout comme la flotte perse à la bataille du cap Mycale148. Après la victoire de Mycale, la flotte grecque fait route vers l'Hellespont pour détruire les ponts flottants mais les Perses les ont déjà démantelés149.

Un tournant des guerres médiques

Monument honorant la bataille, sur l'île de Salamine en Grèce (sculpture d'Achilleas Vasileiou).

Les batailles de Platées, du cap Mycale et de Salamine constituent un point tournant dans le cours des guerres médiques, car les Perses renoncent ensuite à envahir la Grèce. Le Péloponnèse ne pouvant plus être conquis, la Grèce par extension est libre d'une invasion de l'Asie. Le moral et le prestige des Perses, dont la majeure partie de leurs armées est détruite, sont au plus bas150,151.

La victoire grecque permet la révolte de la Macédoine contre le règne perse. Les trente années suivantes, la Thrace, les îles Égéennes puis l'Ionie sont soustraites à la domination perse par les Alliés puis leurs successeurs, la Ligue de Délos152. La victoire à Salamine est donc le début d'une fructueuse riposte grecque, qui culmine avec la reconquête des îles Égéennes153.

La colonne serpentine offerte par les Grecs victorieux : à gauche, dessin de 1574, avant la destruction des trois têtes de serpent ; à droite, à l'hippodrome de Constantinople en 2007.

Comme les batailles de Marathonet des Thermopyles, Salamine est élevée au statut de légende (au contraire, par exemple, de la bataille de Platées, toute aussi décisive pour les Grecs), peut-être à cause de la situation desespérée des Alliés et de leurs très faibles chances de victoire154.

Plusieurs historiens croient qu'une victoire perse à Salamine aurait durablement paralysé le développement de la Grèce antique et, par extension, empêché l'éclosion de la culture occidentale155. Pour cette raison, ils jugent que Salamine est l'une des plus importantes batailles de toute l'histoire humaine156,113. Des historiens vont même jusqu'à prétendre que si les Alliés avaient été vaincus à Salamine, la conquête perse consécutive aurait dans les faits étouffé la croissance de la culture occidentale comme nous la connaissons157,158. Cette perception s'appuie sur l'idée que l'essentiel de la culture occidentale moderne, telles la philosophie, la science, le libre arbitre et la démocratie, prennent racine dans l'héritage laissé par la Grèce antique154. Cette école de pensée argue que, sachant la prééminence de la pensée occidentale sur l'histoire humaine ultérieure, la domination perse aurait modifié sensiblement la trajectoire de la pensée humaine156. Par ailleurs, l'épanouissement d'une culture athénienne très influente ne s'est produit qu'après les guerres médiques159,160,161.

Militairement, il est difficile de tirer des leçons de cette bataille, faute d'informations. Encore une fois, les Alliés ont bien choisi le site des combats dans le but de réduire la puissance perse mais, au contraire de la bataille des Thermopyles par exemple, la chance a joué en leur faveur parce que des navires perses ont attaqué avant que leur flotte ne soit bien déployée105. Néanmoins, le stratagème de Thémistocle, qui consiste à tromper son adversaire dans le but de l'amener à réagir défavorablement, est une leçon à tirer de cet engagement105.

Selon Plutarque, le futur homme d'État Cimon, presque inconnu, obtient un grand prestige à la suite de cette bataille, ce qui lui permet d'entreprendre une fructueuse carrière politique162. À la suite de cette bataille, les rameurs des navires alliés, appartenant à une classe sociale inférieure, gagnent en poids politique163.

Dans la culture

En 472 av. J.-C.Eschyle écrit sa tragédie Les Perses, qui raconte en partie les défaites de Xerxès Ier.

Lord Byron a rédigé un passage sur la bataille dans son Don Juan164.

Henri Pigaillem a publié en 2004 une description romancée de la bataille dans son Salamine et les guerres médiques : 480 avant Jésus-Christ, qui présente également le stratège Thémistocle165.

En bande dessinée, Jean-Yves Delitte et Francesco Lo Storto publient Salamine en juin 2019 dans la collection « Les Grandes Batailles navales » chez Glénat166.

Cette bataille est illustrée dans le film 300 : La Naissance d'un empire de Noam Murro167,168.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Battle of Salamis »(voir la liste des auteurs).

Citations originales
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Références
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Annexes

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

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  • (en) John Francis LazenbyThe Defence of Greece 490–479 BC, Warminster, Aris & Phillips Ltd., 1993, 294 p.(ISBN 0-85668-591-7)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Jean Malye, La Véritable Histoire de la bataille de SalamineLes Belles Lettres, 19 février 2014, 200 p.(ISBN 978-2-251-04017-2 et 2-251-04017-Xprésentation en ligne [archive])
  • (en) Barry Strauss, The Battle of Salamis : The Naval Encounter That Saved Greece—and Western Civilization, New York, Simon and Schuster, 2004, 294 p. (ISBN 0-7432-4450-8lire en ligne [archive]).
  • (el) Ιστορία του Ελληνικού Έθνους [« Histoire de la nation grecque »], vol. Β, Εκδοτική Αθηνών,‎ 1971.
Articles connexes

 

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Les Guerres médiques
Guerres médiques
Description de cette image, également commentée ci-après
Le monde grec pendant les guerres médiques (v. 500-479 av. J.-C.)
Informations générales
Date 490 av. J.-C. - 479 av. J.-C.
Lieu Principalement en Grèce, en Anatolie, en mer Égée, à Chypre
Issue Paix de Callias
Belligérants
Une coalition de cités grecques menées par Athènes et Sparte L'Empire perse et ses alliés (dont ThessalieBéotieThèbesMacédoine et Phénicie)
Commandants
Callimaque †
Miltiade
Thémistocle
Eurybiade
Léonidas Ier †
Pausanias
Cimon
Xanthippe
Léotychidas II
Darius Ier
Mardonios †
Datis †
Artapherne
Xerxès Ier
Artabaze
Mégabaze

Guerres médiques

Batailles

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Les guerres médiques opposent les Grecs aux Perses de l'Empire achéménide au début du ve siècle av. J.-C. Elles sont déclenchées par la révolte des cités grecques asiatiques contre la domination perse, l'intervention d'Athènes en leur faveur entraînant des représailles. Les deux expéditions militaires des souverains achéménides Darius Ier et Xerxès Ier constituent les principaux épisodes militaires de ce conflit ; il se conclut par la victoire spectaculaire des cités grecques européennes conduites par Athènes et Sparte.

Elles marquent traditionnellement le passage de l'époque archaïque à l'époque classique1.

Même s'il ne faut pas en exagérer la portée — pour l'empire achéménide ce conflit semble initialement assez périphérique —, les guerres médiques apparaissent comme le point de départ de l'hégémonie athénienne en mer Égée, mais aussi comme la prise de conscience d'une certaine communauté d'intérêts du monde grec face à la Perse, idée que reprend, près de deux siècles plus tard, Alexandre le Grand.

Sommaire

Sources et historiographie

Photographie du buste d'Hérodote, principale source antique sur les guerres médiques
Hérodote, principale source antique sur le conflit.

L'historien qui étudie les guerres médiques se trouve face à une difficulté majeure : il ne dispose que de sources écrites grecques et le seul récit exhaustif est celui d'Hérodote et son Enquête. Pour saisir les enjeux et la nature réels des affrontements, l'historien doit soumettre ce récit à une analyse critique et prudente2.

Hérodote est un Grec né vers 480 pendant la seconde guerre médique à Halicarnasse, cité située en Asie mineure, à la croisée des mondes ionien et perse. Cette origine, ainsi que ses nombreux voyages dans l'empire achéménide et en Méditerranée, explique sa bonne connaissance des deux belligérants3. Son œuvre, connue sous le nom d'Histoires ou Enquête, est capitale pour la connaissance du conflit. Considéré comme le père de l'Histoire, Hérodote ne se contente pas d'énumérer les événements, il tente d'expliquer les raisons profondes de la guerre et de donner aussi bien le point de vue des Grecs que celui des Perses. Ce véritable souci d'objectivité lui valut des critiques de certains auteurs anciens, comme Plutarque, qui l'ont accusé de préférer les « barbares » à son propre peuple4.

Les historiens ont repris à leur compte le récit d'Hérodote jusque dans les années 1950. Par la suite, l'école des annales, le multiculturalisme et surtout les progrès des études achéménides ont permis de critiquer, relativiser et parfois même de totalement remettre en cause Hérodote5. Cependant, les recherches archéologiquesanthropologiques et ethnographiques des années 1990 et 2000 ont démontré l'exactitude d'Hérodote6,7et sa grande objectivité8.

L'Athénien Thucydide est l'autre grand historien du ve siècle av. J.-C. ; son Histoire de la guerre du Péloponnèse traite partiellement de la suite et des conséquences des guerres médiques. Xénophon, également athénien, est de la génération suivante, mais il connaît bien les Perses car il les a servis comme mercenaire lors de l'expédition des Dix Mille en 401 (relatée dans l'Anabase). D'autres détails sont rapportés par Platon au livre III des Lois9 et par des chroniqueurs plus tardifs comme ÉphoreDiodore de Sicile, Plutarque et Pausanias. La Bibliothèque de Photius et la Souda, compilations byzantines du ixe siècle, offrent des aperçus de textes antiques aujourd'hui disparus.

Le théâtre grec comprend certaines « pièces d'actualité » commentant les événements à chaud, et donc particulièrement instructives pour l'étude des mentalités de l'époque10La Chute de Milet de Phrynichos, jouée en 493, émeut les Athéniens jusqu'aux larmes et exacerbe les passions en faveur de la guerre. Eschyle a combattu à Marathon et Salamine ; sa pièce Les Perses, écrite en 472 et célébrant la victoire athénienne, est jouée dans tout le monde grec, de la Sicile à l'Asie mineure10.

Les Achéménides n'ont pas laissé de chroniques ou de témoignages écrits de leur propre histoire ; leur mémoire se transmettait par voie orale et s'est donc essentiellement perdue11. Certains de ces récits ont cependant été recueillis par Hérodote et Ctésias, médecin grec à la cour d'Artaxerxès II12. Les textes perses à la disposition des historiens contemporains sont d'ordre administratif ou religieux ; ils n'offrent guère d'informations sur les guerres médiques, mais permettent parfois de recouper ou démentir les renseignements fournis par les Grecs7, comme certaines tablettes de Persépolis relevant les voyages des fonctionnaires13. L'épigraphie apporte de nombreux renseignements grâce aux inscriptions et à l'iconographie des monuments perses, par exemple en fournissant la liste des pays et des peuples vaincus : les Grecs, qu'ils soient d'Asie mineure ou d'Europe, sont considérés comme des sujets par les Grands Rois des guerres médiques, DariusXerxès et Artaxerxès14.

Ces guerres sont dites « médiques » car les Grecs confondaient les Perses et les Mèdes, deux peuples unifiés par Cyrus le Grand au vie siècle av. J.-C.15

Aux origines du conflit : la révolte de l’Ionie

Carte représentant l'Empire perse en 490 av. J.-C.
L’Empire Perse en 490 av. J.-C.

Au vie siècle av. J.-C., le roi perse Cyrus II, de la dynastie des Achéménides, transforme son petit royaume vassal des Mèdes en un immense empire, s'étendant de l'Inde à la Méditerranée, par une suite de guerres de conquête16. En 547, il annexe la Lydie de Crésus, qui dominait l'Asie mineure, puis assujettit les cités côtières grecques de l'Ionie et des Dardanelles17.

Les guerres médiques sont initialement la conséquence de l'impérialisme perse, du fonctionnement économique et commercial grec et, dans une moindre mesure, des luttes politiques internes des cités18,19,20,21.

La révolte de l'Ionie représente un épisode décisif vers la confrontation. Elle a pour origine la volonté de Darius Ierd'étendre son empire vers la Propontide (mer de Marmara) et le Pont-Euxin (mer Noire), entre autres pour contrôler les sources d'approvisionnement en blé, en or et en bois de construction navale22. Pour cela, il doit s'attaquer aux Scythes, maîtres d'un puissant empire en Russie méridionale et dont les relations commerciales avec les Grecs sont fructueuses et actives.

Sur le chemin de la conquête, avec l'aide de contingents grecs ioniensDarius s'assure la maîtrise de la Thrace, tandis que le roi Amyntas Ier de Macédoine reconnaît sa suzeraineté (513). Les ports de Byzance et de Chalcédoine sont soumis : la Perse contrôle grâce à eux le trafic maritime entre la Méditerranée et la mer Noire23. L'objectif final de l'expédition contre les Scythes est un échec, ceux-ci appliquant la technique de la terre brûlée. Détail important, l'armée perse échappe au désastre et à l'encerclement grâce à la loyauté du contingent grec qui garde le pont sur le Danube(Ister)24.

Carte représentant la position de l'Ionie en Asie mineure
Position de l'Ionie en Asie mineure.

En 508, c'est l'île de Samothrace qui tombe sous le joug perse. Même Athènes sollicite vers 508 leur alliance. De la campagne contre les Scythes, Darius tire la conclusion qu'il peut compter sur la fidélité des Grecs ioniens. En revanche, ceux-ci estiment qu'ils pourraient se révolter sans risque excessif, car l'expédition a prouvé que l'empire achéméniden'est pas invulnérable25.

Les motifs de la révolte

Les causes profondes de la révolte sont d'ordre économique, social, politique et culturel.

L'Ionie est constituée de douze cités grecques fondées depuis au moins le viiie siècle avant l'ère chrétienne : MiletÉphèsePhocéeClazomènesColophonPrièneTéosChiosSamosÉrythréeMyonte et Lébédos. Il faut y ajouter les cités de l'Éolide, région située au nord-ouest de l'Ionie, dont celle de Smyrne. Autonomes, elles sont toutes soumises au pouvoir perse26. Milet dispose d'un statut à part : son traité d'amitié conclu avec Cyrus avant la conquête de la région lui assure une relative indépendance27. C'est pourtant Milet qui se trouve à l'origine du soulèvement de 499.

Ces cités sont unies au sein de la Ligue ionienne, une alliance forgée au viie siècle av. J.-C. qui ne joue plus de rôle militaire depuis la conquête de Cyrus mais qui conserve un rôle religieux, culturel et politique à travers une amphictyoniechargée du culte de Poséidon Helikonios au sanctuaire du Panionion, au cap Mycale28. Cette institution facilite les échanges nécessaires à une révolte commune.

Théoriquement, la domination perse n'est pas écrasante. Chaque cité conserve ses institutions, à la condition de payer un tribut et éventuellement d'entretenir des garnisons perses. Darius Ier et ses successeurs respectent les coutumes des différents peuples de leur empire et se chargent parfois de rappeler à l'ordre les fonctionnaires zélés.

Cela change avec la réforme de la taxation sous Darius qui fixe un montant précis d'or et d'argent à payer pour chaque satrapie29. Le tribut annuel exigé s'élève pour l'ensemble de l'Ionie à 400 talents ou 2 400 000 drachmes30. Ces taxes sont en outre injustement réparties au sein de chaque cité : les familles liées aux tyrans (officiellement amis du Grand Roi) au pouvoir sont exemptées, et la pression fiscale sur les pauvres favorise les tenants de la démocratie et d'une révolution politique et sociale31.

Depuis 512, la mer Noire est un « lac perse », la Thrace est devenue une satrapie. Or, Milet s'y fournit en blé et en toutes sortes de matières premières. La colonisation perse ferme l'accès des mers septentrionales au moment où Sybaris, l'entrepôt occidental de Milet, tombe sous les coups de Crotone (510). De plus, les Perses favorisent systématiquement les rivaux phéniciens de Tyr et Sidon. Enfin, la prise de Byzance ferme les détroits et le commerce vers le Pont-Euxin32. Ainsi, la politique extérieure de Darius appauvrit les marchands ioniens, très influents au sein des cités22.

Les Perses demeurent, aux yeux de nombreux Grecs ioniens, des barbares rétifs aux « charmes » de la civilisation qui conservent leur langue, leur religion et leurs coutumes. De nombreux « intellectuels » ont préféré l'exil à la domination étrangère23. Il existe une volonté d'émancipation des cités ioniennes qui les pousse d'une part à rejeter les tyrans imposés par les Perses, ainsi que de nombreux colons32, et d'autre part à se libérer du joug achéménide. Lorsque la révolte éclate, elle a comme première conséquence, dans de nombreuses cités, l'éviction des tyrans et la proclamation de l'isonomie. Il est exagéré de parler de révolte à la suite de l'éveil d'une « conscience nationale » contre l'occupant ; il est préférable de parler d'une crise sociale et politique33.

La stratégie d'Aristagoras,
déclencheur de la révolte
Carte décrivant les événements de la révolte de l'Ionie
Événements de la révolte de l'Ionie.

La situation se prête à une rébellion, et Aristagoras, le tyran de Milet, va en tirer parti.

L'île de Naxos, au cœur de la mer Égée, est considérée comme « la plus riche »34. En 500, son peuple chasse les aristocrates qui la dirigent. Ces derniers se réfugient à Milet où ils demandent l'aide d'Aristagoras pour reprendre le pouvoir. Celui-ci sollicite l'autorisation et l'aide d'Artapherne, frère du Grand Roi Darius Ier et satrape de Lydie, l'une des provinces de l'empire35. Artapherne accepte, mais au cours de l'expédition, Perses et Milésiens se querellent : leurs divisions les forcent à se replier après quatre mois de siège36.

Les Perses tiennent Aristagoras comme responsable de cet échec et exigent qu'il assume les frais de cette guerre stérile. Aristagoras commence à craindre d'être destitué ou même assassiné : il n'a pas d'autre choix que de se révolter37. La guerre est déclarée et les Milésiens s'emparent par surprise de la flotte perse qui a participé à l'expédition31. Aristagoras renonce à la tyrannie (en paroles seulement d'après Hérodote38), proclame l'isonomie et l'égalité des cités ioniennes qui se débarrassent de leurs tyrans33.

Malgré cette union, Aristagoras sait qu'il est en infériorité militaire face à Artapherne. En 499, il s'embarque donc pour Sparte, qui possède l'armée la plus puissante, afin de solliciter son aide. Le moment est peu propice, car Sparte est divisée par la rivalité de ses deux rois Cléomène Ier et DémarateNote 1. Malgré des promesses de butin, l'appel à la « fraternité » entre Grecs et aux dieux communs, les Spartiates refusent de s'engager39.

Aristagoras se tourne alors vers Athènes. L'écoute est meilleure, car la ville s'inquiète des intrigues d'Hippias, tyran chassé d'Athènes en 510, réfugié à Sardes, siège de la satrapie de Lydie, où il compte sur l'appui perse pour rétablir sa tyrannie25. Athènes envoie 20 trières, suivie par Érétrie avec 5 autres, par reconnaissance pour Milet qui jadis l'avait aidée contre ses ennemis40. Aucune autre cité ne répond à l'appel.

Six ans de guerre
L'intervention d'Erétrie et d'Athènes

Il faut plus de six ans à Artapherne pour mater le soulèvement. En effet, les premiers combats sont favorables aux Ioniens. Début 498, la flotte grecque met en fuite la flotte phénicienne lors d'un premier combat sur les côtes de Pamphylie. Sur terre, les Perses se préparent à assiéger la ville de Milet quand Charopinos, le frère d'Aristagoras, avec l'aide des contingents athéniens et érétriens, organise une diversion et ravage Sardes41, sans arriver à prendre son acropole défendue par Artapherne lui-même42. L'armée perse qui assiégeait Milet revient vers Sardes à marche forcée, obligeant les Grecs à se replier43Artapherne, après avoir fait sa jonction avec ces renforts, les intercepte sur les hauteurs d'Éphèse et remporte une victoire complète42.

À la fin de l'été 498, le corps expéditionnaire – ou du moins ce qu'il en reste – plie bagage pour rentrer sur Athènes ou Érétrie44. Cette défection n'empêche pas la révolte de gagner de l'ampleur.

Généralisation et écrasement
du soulèvement

À l'automne 498, la révolte gagne Chypre, la Propontide, l'Hellespont jusqu’à Byzance, puis toute la Carie, satrapie située au sud de l'Ionie. Au début 497, la situation est critique pour les Perses, qui lèvent alors simultanément trois armées et une nouvelle flotte. La révolte est écrasée à Chypre, puis dans les cités de l'Hellespont. Lentement mais systématiquement, les corps de troupes perses reconquièrent une à une les cités rebelles. Aristagoras tente de porter le combat en Thrace, mais il y trouve la mort dans des circonstances obscures45.

Quant aux Cariens, ils sont vaincus sur la rivière Marsyas à l'automne 497, puis à Labranda lors de l'été 496, malgré l'aide des Milésiens. Les Cariens se ressaisissent et infligent une grave défaite aux Perses à l'automne suivant à Pédassos. Après de longues négociations, ils déposent les armes définitivement en 494. Milet se retrouve alors seule.

Contrairement aux Perses, les insurgés ont du mal à financer flottes et mercenaires46. Les défections dans leurs rangs sont nombreuses.

La prise de Milet

Au début de l'année 494, les Perses massent leurs troupes contre Milet. La ville est assaillie à la fois par terre et par mer. Une bataille navale opposant environ 350 navires grecs à 600 navires phéniciens, égyptiens et chypriotes se déroule au large de l'îlot de Ladé durant l'été 49447. La flotte grecque est anéantie. Milet est prise et rasée peu après (la poliorcétique perse l'emportant généralement sur celle des Grecs), et sa population déportée sur les berges du Tigre40.

Au cours de l'année 493, les Perses soumettent les dernières villes et îles rebelles (Chios, Lesbos et Ténédos) tandis que leur flotte longe victorieusement les côtes de l'Hellespont et de la Chalcédoine.

Les conséquences de la défaite ionienne

Cette défaite entraîne en Grèce continentale, en particulier à Athènes, une profonde réaction de tristesse. Toutefois, en 493, le poète Phrynichos, auteur d'une tragédie intitulée La prise de Milet dont il est déjà sujet plus haut dans cet article, est condamné à une amende de 1 000 drachmes pour avoir rappelé des évènements malheureux et fait fondre en larmes le public. Cette curieuse condamnation pourrait venir d'hommes soucieux de se ménager l'alliance des Perses dans les luttes de pouvoir des grandes familles athéniennes40.

Cette révolte a attiré l'attention de Darius vers l'Occident et peut-être suscité en lui des idées expansionnistes, ou du moins le désir d'établir en Grèce même des régimes qui lui soient favorables48. Le rôle joué par Athènes et Érétrie lui montre la nécessité d'imposer son autorité sur les deux rives de la mer Égée. Cependant, si l'on excepte le sort de Milet, Darius use d'une modération relative : il impose un fort tribut aux cités mutines mais leur laisse l'autonomie49.

Première guerre médique

La campagne avortée de 492

Pour punir Athènes et Érétrie de leur aide aux insurgés ioniens et assurer leur domination sur l'Égée, les Perses préparent une expédition contre la Grèce continentale47. Darius charge son gendre50 Mardonios de reprendre en main la Macédoine et la Thrace, théoriquement soumises, mais dont les garnisons perses avaient été évacuées lors de la révolte de l'Ionie. Au printemps 492, Mardonios rassemble sa flotte et son armée en Cilicie, puis franchit l'Hellespont et traverse la Thrace et la Macédoine. La flotte fait voile vers Thasos, la soumet au passage, et suit la côte européenne jusque vers Acanthos47.

Assaillie par une violente tempête au moment de doubler le cap du mont Athos, la flotte perd la moitié de ses navires. Mardonios doit donner l'ordre de la retraite, ce qui lui vaut d'être temporairement relevé de son commandement51.

L’expédition perse de 490

Toute l'année 491 est consacrée aux préparatifs militaires et diplomatiques de cette offensive. De nombreuses cités grecques reçoivent des ambassadeurs demandant « la terre et l'eau », c'est-à-dire leur soumission. Certaines s'exécutent, mais Athènes comme Sparte refusent et mettent à mort les ambassadeurs perses, sans toutefois prendre de véritables mesures pour devancer la future offensive52.

L'armée perse est dirigée par l'amiral Datis et le général Artapherne, fils du satrape de Lydie qui avait dû faire face à la révolte de l'Ionie et donc neveu de Darius. Le début de l'expédition est un succès : elle traverse cette fois directement la mer Égée, droit sur l'Eubée et l'Attique, après avoir pris au passage le contrôle de Naxos et Délos (490). Grâce à l'aide de la marine phénicienne53, la domination perse est ainsi établie relativement aisément sur les Cyclades54.

Hérodote n'a pas laissé de données pour le nombre de soldats perses. D'autres auteurs anciens postérieurs ont avancé des chiffres totalement fantaisistes allant de 100 000 à 500 000 hommes55. Les historiens contemporains considèrent qu'environ 25 000 hommes ont pu y participer55, ce qui est déjà considérable pour l'époqueNote 2. Au total, la flotte de Datis rassemble au moins 200 trières56.

La prise d'Érétrie

L'expédition perse atteint la pointe méridionale de l'Eubée, ravage Carystos, qui refusait d'ouvrir ses portes, puis atteint Érétrie. 4 000 clérouques athéniens envoyés en renfort prennent la fuite et Erétrie se retrouve seule57,58. Après six jours d'un siège meurtrier, des traîtres ouvrent les portes aux Perses59. La ville est pillée, ses temples incendiés, sa population est capturée, enchaînée puis déportée en Basse-Mésopotamie, marquant ainsi la première étape de la vengeance du Grand Roi59.

La bataille de Marathon 490
Représentation d'un hoplite grec
Hoplite grec.

L'armée perse est conseillée par Hippias, l'ancien tyran d'Athènes qui espère reprendre le pouvoir60. Le débarquement a lieu le 12 septembre 490 av. J.-C. (date la plus communément admise) sur une plage d'environ quatre kilomètres de long qui borde la plaine de Marathon, dans le dème du même nom, à quarante kilomètres d'Athènes. Les Athéniens n'attendent pas l'ennemi derrière leurs remparts, mais, conduits par le stratège MiltiadeNote 3, les hoplites athéniens et platéens, environ 10 000 hommesNote 4, se rendent à la rencontre des Perses61. Ils sont accompagnés d'un nombre inconnu d'esclaves libérés peu avant et servant d'infanterie légère munie de frondes et de javelots62. Le 17 septembre 490 (date la plus communément admise), les Perses décident d'attaquer Athènes par terre et par mer.

Les Athéniens doivent battre les Perses dans la plaine de Marathon, puis regagner leur cité pour la protéger d'une attaque par la mer. Miltiade connaît les points faibles de l'armée perse pour avoir combattu avec eux lors de l'offensive contre les Scythes63. En effet cette armée est composée de soldats d'origines différentes, ne parlant pas les mêmes dialectes et n'ayant pas l'habitude de combattre ensemble. De plus, l'armement perse, avec des boucliers en osier et des piques courtes, ne permet pas les combats au corps à corps.

Au contraire, l'armement des Grecs est celui d'une infanterie lourde : les hoplites sont protégés par un casque, un bouclier, une cuirasse, des jambières et des brassards en airain (bronze). S'y ajoutent une épée, une lance longue et un bouclier fait de peau et de lames de métal. Enfin, les hoplites combattent en rangs serrés (phalange) leurs boucliers formant devant eux une véritable muraille64.

Le choc est favorable aux Grecs : Hérodote prétend que 6 400 Perses furent tués, la plupart noyés en s'enfuyant, et qu'Athènes ne perd que 192 citoyens65. Une fois le débarquement repoussé, les Grecs doivent rentrer précipitamment à Athènes pour empêcher que la flotte perse ne s'en prenne à la ville laissée sans défenseNote 5. Les navires perses ont besoin d'une dizaine d'heures pour doubler le cap Sounion et atteindre Phalère. Par une marche forcée de sept ou huit heures, déjà fatigués par la bataille qu'ils viennent de mener, les hoplites grecs arrivent environ une heure avant la flotte ennemie. Constatant l'échec de la manœuvre, les Perses renoncent à débarquer et battent en retraite66.

La victoire athénienne

La victoire de Marathon devint symbolique pour les Grecs et confère un grand prestige à Athènes. Elle sert lors de la seconde guerre médique : désormais, les cités savent qu'elles peuvent battre les Perses sur le champ de bataille, et sans cette donnée morale, il est probable que la résistance à l'invasion de Xerxès dix ans plus tard aurait été bien moindre67.

Pour les Athéniens, cette victoire représente une double réalité68 : tout d'abord un incontestable succès militaire qui permet de repousser le corps expéditionnaire perse, mais aussi une victoire qui met en valeur le rôle des soldats-citoyens que sont les hoplites dans la défense de la cité et de la démocratieNote 6,69. Les diplomates athéniens utilisent par la suite Marathon pour justifier leur hégémonie sur le monde grec.

Du côté perse, Marathon est un échec mineur61. La campagne menée par Datis et Artapherne a atteint ses objectifs : le contrôle de la mer Égée et l'installation de gouvernements amis dans presque toutes les cités insulaires70. Darius se détourne du front grec, car une révolte a éclaté en Égypte, dirigée par le satrape Aryandès. Selon Hérodote, cela l'empêche de lancer une expédition contre la Grèce qu'il prévoyait de diriger lui-même, car il consacre les derniers mois de son règne à réprimer la rébellion et meurt en 48671. À cette date, l'empire perse est à son apogée territorial. Son fils Xerxès Ier lui succède61.

Seconde guerre médique

En 485, un an après avoir succédé à son père, Xerxès décide de venger cette humiliante défaite. Il est encouragé par son beau-frère Mardonios, qui dirigeait déjà l'expédition de 49272, ainsi que par les nombreux renégats grecs réfugiés à sa cour, comme le parti aristocratique athénien ou Démarate, roi spartiate déchu pour bâtardise73.

Les préparatifs durent quatre ans, de 485 à 481. Xerxès met sur pied une gigantesque expédition qui fait souffler « un vent de terreur sur la Grèce74. » Il décide de mener une invasion par terre et par mer.

Les forces en présence
Représentation d'un corps à corps entre un hoplite et un guerrier perse
Corps à corps entre un guerrier perse et un hoplite.

L'empire perse, avec ses 7 500 000 km2 et une population qui atteignait peut-être vingt millions d'habitants, semble beaucoup plus puissant que les États grecs qui comptent à peine un million d'habitants (estimation approximative) sur un territoire de 103 000 km275. De plus, les cités grecques sont divisées : des centaines restent prudemment neutres ou, comme Thèbes, s'allient à l'ennemi (les « médisants »). Beaucoup changent de camp tout au long de la guerre76.

Les effectifs sont sujets à controverse, car les chiffres des historiens de l'Antiquité apparaissent fantaisistes. On soupçonne les Grecs d'avoir surestimé le nombre de leurs ennemis pour valoriser leur combat et il n'existe pas de sources perses sur le sujet. Ainsi, Ctésias évoque 800 000 hommes et 1 000 trières77. Pour sa part, Hérodote évalue les troupes à 1 700 000 fantassins, 80 000 cavaliers et 1 200 trières, en se basant sur l'inspection qu'aurait faite Xerxès à Dorisque, une grande plaine de la Thrace78. Selon l'historien de la Perse Pierre Briant, toutes ces estimations manqueraient de fondement et l'« argument de vraisemblance » ne peut se transformer en donnée historique79. Toutefois, il ne fait pas de doute que Xerxès, voulant prendre sa revanche après une défaite humiliante, avait mis sur pied une troupe extrêmement nombreuse, tant sur terre que sur mer80.

Les historiens contemporains ont généralement revu ces chiffres à la baisse, ne serait-ce que pour des raisons logistiques et d'approvisionnement en eau impliquées par les chiffres d'Hérodote, mais leurs estimations varient assez fortement. Les effectifs des Perses sont estimés de 75 000 hommes (selon l'historien allemand Hans Delbrück) à 300 000 (pour Hanson)81, mais le consensus moderne estime plutôt qu'ils se situent entre 300 000 et 500 000 hommes80,82. À cela s'ajoutaient quelque 20 000 à 60 000 cavaliers divisés en six corps d'armée. La flotte compterait quant à elle environ 600 vaisseaux, fournis essentiellement par les Phéniciens, les Égyptiens et les Ioniens79. Plus que les chiffres, ce qui importe pour les contemporains de l'évènement est l'impression d'une levée en masse gigantesque : « L'Asie s'est vidée de tous ses mâles » écrit Eschyle dans sa tragédie Les Perses.

Les Grecs coalisés auraient été de 7 000 à 35 000 hoplites (auquel il faut rajouter 40 000 hommes plus sommairement armés). En revanche, ils ne possèdent pas de cavalerie. Sur mer, ils ne disposeraient que d'environ 370 trières83 ou pentécontores. Si l'on admet que chaque navire a un équipage complet (environ 150 rameurs, une dizaine d'officiers, une dizaine d'hommes d'équipage et environ 15 soldats) cela représente environ 70 000-75 000 hommes. Les 200 trières athéniennes mobilisent à elles seules environ 40 000 hommes, dont 34 000 citoyens des couches populaires84.

Armes et tactiques

Les historiens débattent encore de la valeur respective des armées perses et grecques. Certains considèrent que les Perses étaient beaucoup plus évolués et perfectionnés, avec une maîtrise supérieure de la cavalerie et de l'archerie, la poliorcétique, le génie militaire, l'espionnage, les opérations militaires sophistiquées encore inconnues des Grecs85. À l'inverse, d'autres insistent sur la supériorité de l'armement hoplite, avec son bouclier, sa lance en fer et sa cuirasse de bronze, ainsi que sur la discipline de la phalange86,87. La culture guerrière exacerbée et exceptionnelle des Grecs, dans un état de guerre permanent à cause des perpétuelles luttes de voisinage entre cités, est aussi mise en avant pour expliquer leur résistance à l'invasion88.

Bien que Xerxès possède une armée de métier permanente, ses soldats proviennent de toutes les satrapies d'un immense empire multiethnique, leurs armes varient donc énormément selon les régiments : lances, massues, haches, épées à double tranchant en cuivre, arcs, javelots, dagues, etc.89. Les casques en cuir ou en métal sont courants, les armures et boucliers plus rares. Enfin, les mercenaires grecs et les cités médisantes leur apportent le savoir-faire militaire de l'ennemi.

Les campagnes militaires perses débutent au printemps. Sur les champs de bataille, leur tactique consiste souvent à placer les archers à pied devant l'infanterie légère et lourde, la cavalerie encadrant l'ensemble et le général en chef se trouvant à l'avant90.

La cavalerie perse, à cheval et à chameau, pouvant aussi bien livrer des charges frontales que harceler l'ennemi avec arc et javelines, surclasse celle des Grecs. En revanche, l'infanterie perse est inférieure aux hoplites grecs. Enfin, si les Perses ne sont pas une nation maritime, ils peuvent compter sur les flottes phéniciennes et égyptiennes, au moins aussi performantes que celles des Grecs pour la navigation ou l'abordage91.

Carthage ou l'alliance de revers

À partir de 484, Xerxès planifie l'invasion de la Grèce, ne laissant rien au hasard. La plus grande puissance militaire grecque se trouve en Sicile, entre les mains de Gélon, tyran de Syracuse, qui mène une politique annexionniste et agressive depuis sa prise de pouvoir. Il représente un allié potentiel de poids pour les Grecs, c'est pourquoi Xerxès encourage Carthage, grande rivale de Gélon en Sicile, à s'attaquer à lui92. La combinaison des deux expéditions en 480, celle de Xerxès et celle des Carthaginois sur Agrigente et Syracuse, n'est pas une simple coïncidence et relève d'un plan habilement mis au point93.

Le « médisme »

 

La plupart des cités grecques restent longtemps sans s'inquiéter du « péril perse », en particulier après la victoire athénienne de Marathon. Les Grecs renouent avec leurs querelles intestines dès que le péril est passé. Ainsi, Miltiade, après un échec devant Paros en 489 av. J.-C., est frappé d'une lourde amende par Athènes et meurt peu après94. De 487 à 486, Athènes tente en vain de s'emparer de sa vieille rivale Égine, tandis que Sparte continue sa politique hégémonique dans le Péloponnèse, devenant ainsi la cité la plus puissante de la Grèce.

Les haines ancestrales entre certaines cités et les intérêts immédiats poussent nombre de Grecs vers Xerxès95. Pour Hérodote, la majorité ne souhaite pas la guerre et même « montrait beaucoup d'inclination pour les Mèdes »96. Les Perses s'allient ainsi avec certains peuples ou certaines cités en Grèce continentale même, sans compter les Ioniens redevenus vassaux de l'empire depuis l'écrasement de leur révolte 15 ans plus tôt. Ainsi, les Macédoniens et surtout la Béotie avec Thèbes se rangent du côté des envahisseurs, cédant ainsi à ce qu'on appelle le « médisme ». Le refuge naturel des opposants politiques spartiates et athéniens est à la cour de Suse97. Hippias, ancien tyran d'Athènes, conseille Darius lors de la première guerre médique ; Démarate, roi spartiate déchu, guide Xerxès lors de la seconde77,98.

Enfin, Xerxès parvient à corrompre Delphes et son très influent oracle d'Apollon99,100. Épargné pendant toute la durée des hostilités, les divinations de sa pythie sont largement favorables aux Perses101. Après la victoire grecque, Delphes se justifie en affirmant avoir été protégée par une intervention divine102,103.

Stratégie, mobilisation et logistique

Le plan de l'invasion a été conçu par Mardonios, fils d'une sœur de Darius Ier et donc cousin de Xerxès Ier. Ce plan consiste à reprendre le projet de 492, en passant par voie terrestre à travers la Thrace et la côte macédonienne104. Pour cela, il est nécessaire selon Mardonios d'avoir un corps d'armée terrestre considérable, soutenu par une flotte amenant le ravitaillement et chargée d'éviter les contre-attaques de la flotte grecque sur les arrières de l'armée perse. Pour éviter les tempêtes du nord-est, fréquentes et brutales dans la région du mont Athos, et ne pas rééditer le désastre de 492, Xerxès ordonne le percement d'un canal afin de couper l'isthme de l'Acté105. Il est long de 2,4 km et assez large pour que deux trières y circulent de front. Des ponts sont construits sur le Strymon par des détachements d'éclaireurs perses.

Pour mener à bien l'invasion terrestre, Xerxès charge les Phéniciens et les Égyptiens de construire un double pont flottant sur l'Hellespont depuis Abydos jusqu’à un promontoire situé entre Sestos et Madytos, sur une distance de 1 400 m. Selon Hérodote, le premier pont ayant été brisé par une tempête, Xerxès en fait construire un second en assemblant 674 vaisseaux au moyen de câbles dont chaque demi-mètre pesait 26 kg106. Puis on pose des planches que l'on couvre de terre tandis que de hautes barrières de bois, servant de parapet, sont installées pour que les animaux ne soient pas effrayés par la vue de mer.

Enfin, des villes sont sélectionnées pour devenir les principaux magasins centralisant l'approvisionnement nécessaire à une telle armée. Ce sont les cités de Doriscos, Eïon et Therma situées respectivement aux débouchés des vallées fertiles de l'Hèbre, du Strymon et de l'Axios ainsi que Leukè Actè sur l'Hellespont et Tyrodiza107.

Au printemps 480, la mobilisation des troupes perses s'opère comme prévu. La flotte se rassemble dans la rade de Phocée et dans celle de Cymé en Ionie tandis que les troupes terrestres hivernent à Sardes et à Cristalla en Cappadoce. À l'arrivée de Xerxès avec ses troupes d'élite, l'immense armée s'ébranle, rejoint Abydos puis franchit les ponts de bateaux le 10 mai. Ensuite l'armée se dirige vers Sestos, puis Doriscos où le 16 juin s'opère la jonction avec la flotte108.

La réaction des Grecs
La flotte de guerre athénienne

Après la mort de Miltiade, les luttes politiques athéniennes opposent les démocrates menés par Thémistocle, parvenu au pouvoir juste après Marathon, et des aristocrates comme Xanthippe, le père du futur Périclès, et Aristide, plus modéré. Ils sont tous les deux ostracisés94 par Thémistocle, archonte en 493 et stratège en 490. Ambitieux et sans scrupules, il est éloquent, courageux et tenace109. Il considère que l'avenir d'Athènes passe par la création d'une grande flotte permanente et par la construction d'un nouveau port plus profond et mieux abrité au Pirée110. Les arguments qu'il avance sont multiples : se protéger de la piraterie de sa voisine et rivale Égine, se prémunir d'une attaque perse comme celle de Marathon, pourvoir au ravitaillement face à la rapide croissance de la population, contrôler les routes commercialesNote 7. Enfin, une flotte représente du travail pour de nombreux citoyens pauvres ou modestes (rameurs, construction et entretien des navires).

La découverte des mines d'argent du Laurion au sud-est d'Athènes permet à Thémistocle de financer ce très coûteux projet. Il obtient que le produit de la ferme des mines, environ 50 à 100 talents par an, soit consacré à la construction de cette flotte. Les cent citoyens les plus riches reçoivent en plus chacun un prêt d'un talent pour construire et armer une trière. En 480, Athènes possède la plus puissante flotte de Grèce, 200 trières prêtes à prendre le large111.

Une union panhellénique

Les préparatifs perses ne sont évidemment pas passés inaperçus. Athènes craint la vengeance des Perses et Sparte constate que sa grande rivale dans le Péloponnèse, Argos, est contactée par les envoyés de Xerxès. L'idée d'une union panhellénique s'impose et un congrès des différentes cités grecques est convoqué sur l'isthme de Corinthe à la fin de l'automne 481. Sparte, dont l'armée est considérée comme la plus puissante112, préside le congrès. Pour une fois les intérêts immédiats de Sparte et d'Athènes se confondent. Une réconciliation générale intervient, comme entre Athènes et Égine. Cependant, par crainte ou par intérêt, de nombreuses cités restent neutres et seules 31 d'entre elles s'engagent par serment dans une alliance défensive, la ligue hellénique, et préparent des contingents de soldats95. Le commandement des troupes est confié à deux Spartiates, le roi Léonidas Ier pour les fantassins et Eurybiade pour la flotte grecque113.

Appelé à l'aide par les Grecs, Gélon, tyran de Syracuse exige le commandement des armées alliées grecques, ce qu'on lui refuse. Il est surtout trop occupé à lutter contre les Carthaginois, qui seront vaincus sur terre et sur mer à Himère114.

La progression perse et la stratégie grecque

Durant l'hiver 481-480 les Grecs tergiversent sur le plan de campagne et ne peuvent s'opposer à l'avancée perse au printemps 480. La première ligne de défense au niveau de la vallée du Tempé (entre Thessalie et Macédoine) est abandonnée, ce qui jette les Thessaliens immédiatement dans les bras des Perses115.

En août, tandis que les Perses envahissent la Piérie, Léonidas choisit une position défensive très forte au défilé des ThermopylesNote 8 qui commande l'accès à la Béotie et à la Grèce centrale. Quant à Eurybiade, il s'installe au nord de l'Eubée en un lieu nommé l'Artémision afin d'empêcher les navires perses de contourner cette position. Les Perses, pour garder le contact avec leur flotte, doivent emprunter la seule route importante qui passe par les Thermopyles. Là, entre le golfe Maliaque et la montagne, l'étroite chaussée passe dans un défilé dont le passage le plus étroit est de quatre mètres de largeur et qui, de plus, est barré par les vestiges d'un mur construit en zigzag. Enfin, les marais sont nombreux et forment un obstacle supplémentaire. Entre les 4 000 hoplites environ dont dispose Léonidas et la flotte d'Eurybiade (avec Thémistocle à la tête du contingent des trières athéniennes, de loin le plus nombreux) les liaisons sont constantes116.

Les victoires perses
Artémision
Carte représentants les principaux faits militaires de la seconde guerre médique
Principaux événements militaires de la seconde guerre médique.

Au sortir de la Thessalie, les troupes de Xerxès font mouvement vers le sud. Les fantassins quittent la cité de Therma et arrivent vers le 24 juillet dans la plaine trachinienne au bord du golfe maliaque. Sa flotte s'élance une dizaine de jours après afin que l'arrivée des troupes terrestres et navales soit conjointe117.

Eurybiade, devant l'importance des forces ennemies, quitte l'Artémision et longe le canal d'Eubée pour occuper l'étranglement de Chalcis, laissant Léonidas à la merci d'un débarquement sur ses arrières. Cette manœuvre force les Perses à progresser plus au sud que prévu et à mouiller au cap Sépias, près d'une côte rocheuse et escarpée où ils ne peuvent hâler leurs navires sur la terre ferme et où la profondeur des eaux empêche de nombreux navires de s'amarrer solidement. Une violente tempête de trois jours détruit une partie des navires, plusieurs milliers d'hommes se noient118. La principale conséquence est que Xerxès, bien qu'il garde la supériorité numérique, n'est plus en mesure de diviser ses forces navales de manière à convoyer l'armée tout en livrant combat à la flotte grecque.

À Chalcis, Eurybiade reprend confiance et remonte prendre sa garde à l'Artémision pour protéger les arrières de Léonidas. L'affrontement enchaîne escarmouches et batailles rangées avec éperonnages et abordages. Les deux flottes luttent trois jours et les pertes sont lourdes des deux côtés. Lorsque les Grecs apprennent la mort de Léonidas, ils prennent la fuite119. La victoire perse est laborieuse mais incontestable.

Les Thermopyles 480

Dans un premier temps, sur terre, les alliés commandés par Léonidas tiennent fermement leur position et repoussent les Perses, leur infligeant de grandes pertes120. Mais lorsqu'il s'aperçoit que les Perses sont sur le point de le contourner, il décide de se sacrifier avec quelques centaines d'hommes, pour laisser aux Grecs le temps d'organiser leur défense et à l'armée de se retirer en bon ordre. Les 300 Spartiates restés aux Thermopyles sont tous massacrés, y compris Léonidas121. Cette bataille devint l'emblème de la résistance grecque et de l'esprit de sacrifice des Spartiates.

Le sac d’Athènes
Photographie d'une copie du décret de Thémistocle ordonnant l'évacuation d'Athènes
Copie du décret de Thémistocle ordonnant l'évacuation d'Athènes, musée épigraphique d'Athènes.

Xerxès reprend sa progression sur mer et sur terre. Il gagne la Béotie, est rejoint par les cités médisantes et rase Thespies et Platées122. Il pénètre ensuite en Attique et s'avance vers Athènes.

Pour les Athéniens, la situation est difficile. À l'époque, la ville ne possède pas de remparts et il y a peu de points fortifiés en Attique susceptibles de retarder l'ennemi123. Aussi sous l'impulsion de Thémistocle, la population est évacuée en particulier vers ÉgineTrézène et Salamine tandis que les ostracisés sont rappelés, tel Aristide, avec l'annulation de tous les décrets d'exil portés pour des raisons politiques. Cimon, le fils de Miltiade, pourtant l'un des adversaires de Thémistocle, dépose son ex-voto sur l'Acropole pour bien signifier que le temps de l'« Union Sacrée » est venu et qu'il est temps de combattre non pas à cheval mais sur les vaisseauxNote 9. La cité est ainsi abandonnée à l'exception de quelques centaines d'irréductibles qui souhaitent défendre l'Acropole et ses sanctuaires.

Le 28 septembre 480 av. J.-C., les Perses investissent la ville, prennent d'assaut l'Acropole et la mettent à sac54, massacrant tous ceux qui résistent encore. La victoire perse semble proche, Xerxès n'a mis que trois mois à atteindre Athènes depuis qu'il a passé les Dardanelles124.

Le tournant de la guerre : Salamine 480
Carte décrivant la bataille de Salamine
Bataille de Salamine.

Après la mort de Léonidas, l'armée terrestre des cités grecques coalisées se retire vers le sud et la flotte quitte l'Artémision. La situation pour les Grecs est dramatique. La défaite des Thermopyles, la soumission de la Béotie et la prise d'Athènes sèment le découragement dans les esprits. Cléombrote Ier

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