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par Régis de CASTELNAU
Qu’est-ce qui peut expliquer le virage belliciste de Emmanuel Macron amorcé à l’occasion de la conférence des 30 pays organisée le 26 février à Paris ? On l’avait alors vu prendre une initiative diplomatiquement assez ahurissante. Rappelons que cette conférence n’avait pas prévu à son agenda de parler de la présence de troupes européennes sur le théâtre d’opération ukrainien. Pas plus que cette question ne figurait sur le compte rendu et le procès-verbal qui sont établis dans ce genre de procédures. Cela n’avait pas empêché Emmanuel Macron qui comme on le sait entretient des rapports très élastiques avec les règles diplomatiques, d’affirmer dans une conférence de presse organisée pour présenter le compte rendu de la réunion, qu’il ne fallait pas exclure l’intervention de troupes de l’OTAN sur le territoire de l’Ukraine pour y affronter l’armée russe. Ce fut immédiatement un tollé dans les capitales des pays participants qui rappelèrent que cette éventualité n’avait pas été discutée, et qu’il n’en était pas question. Jusqu’à John Kirby, porte-parole de Joël Biden faisant remarquer, rigolard que "même ZELENSKY ne l'avait demandé".
De la péripétie à l'escalade
En France et dans toutes les chancelleries du monde, on se disait que cette nouvelle foucade d’un président erratique n’était qu’une péripétie diplomatique ridicule de plus, et que l’on allait retourner aux choses sérieuses. Dans un premier temps la presse système française prise par surprise fut bien embêtée ayant un peu de mal à trouver des soutiens crédibles. Alors on mobilisa quelques vieilles épaves du néo-conservatisme à la française comme Bernard Kouchner ou Serge July.
Le problème, c’est que Emmanuel Macron a insisté et emprunté la voie martiale avec une forme de déclaration de guerre à la Russie. En commençant par la signature en urgence de traités inconstitutionnels avec l’Ukraine et la Moldavie. Curiosités que ces engagements aux modalités absurdes qui présentent également la caractéristique d’être contraires au Traité de l’Atlantique Nord constitutif de l’OTAN, et au passage une violation de la Constitution moldave qui impose la neutralité à ce pays. Mais qu’à cela ne tienne si l’on commence à s’arrêter à ces détails juridiques, on ne va pas s’en sortir.
Rappelons en effet qu’en ce qui concerne la guerre en Ukraine, en matière de violation de ses engagements et de sa parole, la France a quand même un lourd passif. En 2014 avec l’UE elle parraine et se porte garante d’un accord entre le président (démocratiquement élu) et l’opposition qui occupe la place du Maïdan. Non seulement cet accord ne sera pas appliqué mais la France va appuyer le coup d’état qui va déposer Ianoukovitch. Ensuite il y aura les deux accords de Minsk garantis par la France dont François Hollande président en exercice a reconnu qu’il n’avait jamais été dans notre intention de les faire appliquer ! Ensuite Emmanuel Macron, en violation grossière de toutes les règles diplomatiques, a rendu publique une conversation avec Vladimir Poutine avant l’intervention russe dans laquelle il démontrait qu’il n’avait même pas lu les accords de Minsk. Enfin, la France a soutenu le projet de traité de paix proposé au printemps 2022 par ZELENSKY et accepté par les Russes. La France mettait une condition, c’était que l’armée russe évacue les environs de Kiev, ce qu’elle a fait. Une fois de plus la France a violé sa parole et soutenu la rupture du traité de paix organisée par les Britanniques. Ce rappel est important, d’abord parce qu’il démontre à quel point Emmanuel Macron est capable de mentir effrontément lorsqu’il inverse la responsabilité des violations commises par l’Occident. Mais également souligne son total mépris du droit international et du droit interne de notre pays.
Sous le regard stupéfait de la communauté internationale, pour cette fois Occident et sud global rassemblés, le président français a poursuivi son escalade belliciste. Il a monté une coalition baroque et brinquebalante avec les minuscules pays baltes, la Pologne, et la ganache qui sert de président à la République tchèque. Rappelons encore une fois ce que disait Karl Marx dans une lettre adressée à son ami Frédérich Engels :
"dans l'Histoire, les Polonais ont toujours fait courageusement des choses stupides".
Les "élites" sur pied de guerre
En France, après un moment de flottement le bloc élitaire s’est ressaisi. Tous les perroquets du discours présidentiel et de la russophobie sont montés à l’assaut. Emboîtant le pas de Emmanuel Macron, ce furent d’abord les ministricules dans un déferlement de propagande et de mensonges, nous expliquant que la Russie était un nain politique, économique et militaire, puis sans crainte de la contradiction, qu’ils allaient nous envahir, et que d’ailleurs c’était déjà le cas. Journalistes sans morale et faux experts ensuite, chacun y allant de ses mensonges et surtout de ses accusations contre les tièdes, ou pire ceux qui préfèrent la paix à la guerre, présentés comme autant de traîtres méritant le poteau. Mention particulière pour Thomas Legrand dont les prises de position nous permettent de revisiter notre histoire. On le trouve en mode Robert Brasillach dans "Je suis partout" dressant les listes de ceux qui ne veulent pas marcher à son pas. Il nous renvoie à la presse de 1914 excitant un Raoul Villain qui assassinera Jean-Jaurès pour son opposition à la Première Guerre mondiale qui venait. Opposition qualifiée de trahison par les prédécesseurs de Legrand. Et on l’a entendu sur le plateau de «C ce soir» annoncer, qu’il s’engagerait dans la nouvelle LVF destinée à aller casser du moujik à l’Est. Il n’est hélas pas le seul.
Cette agitation en dit long sur l’état de notre démocratie, et sur le caractère malfaisant de la présidence d’un Emmanuel Macron porté au pouvoir par une opération politique digne d’un coup d’État. À cela s’ajoute la situation dans laquelle ses inconséquences plongent notre malheureuse armée. Devenue croupion, dépourvue d’hommes en nombre suffisant, privée de matériel, ne disposant plus d’une industrie capable de l’alimenter, elle n’est désormais qu’une force marginale au plan international. Conduite par des hommes courageux et dévoués, dont le «chef» les oblige pourtant à suivre une stratégie de coups de menton, et d’aboiements de roquet. Et à s’humilier avec des déclarations qui font ricaner les «ennemis» qu’on leur a désignés.
"Pour se prémunir d'agressions à son égard et défendre ses intérêts, l'armée Française se prépare aux engagements les plus durs, le fait savoir et le démontre " a été contraint de déclarer le général Pierre SCHILL, chef d’état-major de l’armée de terre. C’est là encore hélas, une rodomontade. Mon général, personne n’a l’intention «d’engager» l’armée française à moins qu’elle décide d’aller combattre la Russie. Et là, avec 20 000 hommes «projetés» et une production nationale quotidienne d’obus de 140 par jour à partir de fin 2024, alors que les Russes en tirent 10 000, cela risquerait effectivement d’être assez «dur». En l’état l’armée française dispose de quatre jours de munitions ! Paraphrasant Joseph Staline posons la question : «Macron combien de divisions ?», La réponse est UNE ! Il serait peut-être opportun de redevenir sérieux.
Pour protéger et sanctuariser notre territoire national nous avons heureusement notre dissuasion nucléaire. Mais nos soldats, aussi courageux soient-ils, ne sont pas de la chair à canon pour défendre les intérêts des États-Unis.
Alors pourquoi Emmanuel Macron s’est-il lancé dans cette croisade imbécile ? Qui ne peut produire qu’une escalade dangereuse et contraire de toute évidence aux intérêts de notre pays.
Plusieurs explications ont été avancées pour tenter de trouver une explication. Chacune d’entre elles doit être étudiée en n’oubliant pas le rôle des traits de caractère très particuliers du locataire installé à l’Élysée par les grands intérêts qui dominent dans notre pays.
La catastrophe politique du Salon de l'Agriculture ?
La soudaine prise de conscience de la catastrophe ukrainienne ?
Les Etats-Unis soucieux de se désengager ont repassé la patate chaude à l'Europe ?
Les jappements de MACRON, signe d'une volonté de relancer son deuxième mandat ?
Cela étant, il est toujours le chef de l’exécutif. Mais quelles sont ses perspectives ? Il sera bientôt le perdant qui s’en va, dont les anciens amis politiques soucieux de leur place dans le nouveau pouvoir à venir, vont s’éloigner. Rappelons-nous Bill Clinton à la fin de son deuxième mandat. Pour les élections européennes, Renaissance, a mis à la tête de sa liste la malheureuse Valérie HAYER, nouvelle calamité politique, probablement pire que Nathalie Loiseau, qui avait pourtant mis la barre assez haut. Le parti du président va probablement subir un échec retentissant. Les jeux olympiques de Paris sur lesquels Macron compte manifestement beaucoup pour redorer son image, ne se présentent pas sous le meilleur jour, c’est le moins que l’on puisse dire. Quelles sont ses marges de manœuvre face à l’éventuelle catastrophe électorale de juin prochain ? Dissoudre l’Assemblée nationale serait courir le risque de se retrouver avec une majorité Rassemblement national. Puisque même s’ils sont à prendre avec beaucoup de précautions, les sondages donnent consistance à cette perspective. Trois ans de cohabitation avec Marine Le Pen ou Jordan BARDELLA à inaugurer les chrysanthèmes ?
Sans la possibilité de refaire le coup de François Mitterrand en 1988 ou Jacques Chirac en 2002 parvenant à battre leur premier ministre de cohabitation. Dans le meilleur des cas, si cette dissolution ne débouchait pas sur une majorité RN, la nouvelle Assemblée nationale serait encore plus problématique que celle de juin 2022. Emmanuel Macron est dans la situation d’un géant institutionnel empêché. Et contrairement à ce que l’on entend, ce n’est pas la Ve République qui est à bout de souffle, c’est ce qu’elle est devenue à force de tripatouillages de sa Constitution, et avec l’arrivée au pouvoir par une opération s’apparentant à une forme de coup d’État, d’un personnage sorti de nulle part. Sans aucune expérience sociale ou économique et qui, à son incompétence politique a ajouté des traits de caractère et des comportements qui amènent à s’interroger sur sa solidité psychologique.
Pour se relancer politiquement, inscrire inutilement l’IVG dans la constitution, lancer un autre débat tout aussi inutile mais malheureusement dangereux sur le «droit à mourir», ce sont des choses faciles à faire. Et de toute façon dans sa masse, l’opinion publique s’en moque. Cela ne peut pas sortir Emmanuel Macron du marécage politique dans lequel il s’enfonce. C’est son problème.
En revanche cela devient le nôtre lorsqu’il décide seul, de partir en guerre contre la première puissance militaire du monde, sans en avoir les moyens, mais pour se viriliser en chef de guerre. Cela met notre pays en danger. Qui va devoir envoyer à la mort des hommes et des femmes qui ont fait le choix de le servir. Et voir la crise sociale et économique majeure que nous traversons, s’aggraver.
Pouvons-nous accepter que l’avenir de notre pays soit entre les mains d’un incompétent narcissique et instable ?
source : Vu du Droit