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POLITIQUE EN PACA & POLICY IN THE WORLD in English, French and Italian 0632173633 - diaconesco@gmail.com
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28 septembre 2021

HISTOIRE DE NOTRE CIVILISATION OCCIDENTALE MÉDITERRANÉENNE DE L’ANTIQUITÉ ...

Histoire de notre civilisation occidentale gréco-romaine en Méditerranée 

 

Pompée le Grand
(106 – 48 av. J.-C.)

 

Son destin extraordinaire marque les derniers soubresauts de la République romaine. Aristocrate flamboyant, dominant les mers et l’Orient, il doit mourir pour que l’Empire s’établisse.
Pompée le Grand (106 – 48 av. J.-C.)
Général à 23 ans, « trois fois triomphateur pour des victoires remportées sur trois continents, trois fois consul, fondateur de villes, bâtisseur à Rome, faiseur de rois… », Pompée le Grand est l’une des principales figures de la fin de la République romaine. Il en repousse si loin les frontières qu’on l’a comparé à Alexandre.

Mais il incarne aussi les limites d’un régime en pleine déliquescence. La personnalisation du pouvoir, le poids des armées et des richesses accumulées durant les campagnes, le dysfonctionnement des magistratures, cadre traditionnel de la compétition aristocratique, la violence politique enfin sont autant de symptômes des failles d’un système conçu en 509 pour une cité-État, mais sans doute inadapté à un empire qui n’a cessé de s’étendre depuis le IIe siècle av. J.-C. Excellent chef de guerre mais politique maladroit, à la différence de César qui fut son allié puis son adversaire, il échoua à réformer, laissant le champ au vainqueur de la guerre des Gaules.

Un aristocrate engagé

Cnaeus Pompeius est né en 106 av. J.-C. dans une famille noble du Picenum, une région du nord-est de la péninsule italienne. Tandis que son père, membre de l’ordre équestre, suit le cursus honorum républicain, le jeune garçon reçoit la formation traditionnellement dispensée aux aristocrates : une rude éducation sportive, adoucie par les raffinements de la culture grecque. Seul l’apprentissage de la rhétorique lui fait défaut, ce par quoi ses contemporains expliqueront la médiocrité de son éloquence.

Son instruction est en effet interrompue par la guerre sociale qui ensanglante la péninsule entre 91 et 88 av. J.-C. Un conflit qui trouve son origine dans les tensions liées à la question agraire et à la volonté des « Alliés » (socii) d’obtenir la citoyenneté romaine que seuls des habitants de l’Urbs pouvaient alors détenir. Le jeune Pompée y fait l’apprentissage des armes en suivant son père qui y gagnera les honneurs du triomphe et le consulat.

Si les Alliés obtiennent satisfaction, la paix est de courte durée en raison de la profonde rivalité opposant deux figures – Marius et Sylla – qui incarnent les fractures de la scène politique romaine. Sylla, le champion des optimates, entreprend en 87 une difficile campagne en Orient contre Mithridate VI, le roi du Pont. L’année précédente, ce dernier a en effet rompu son alliance avec Rome en faisant exécuter tous les marchands italiens présents dans les provinces d’Asie Mineure. Mais Marius, chef du parti populaire (populares), et son gendre Cinna lui contestent la direction de ces opérations. C’est le début d’une sanglante guerre civile. Pompée et son père s’engagent contre Marius, qui finit par s’emparer de Rome pour y établir un véritable régime de terreur.

Premières victoires

En 83, lorsque Sylla débarque à Brindes, victorieux de Mithridate, Pompée lève parmi les vétérans et les clients de son père récemment décédé une armée de 15 000 hommes et traverse l’Italie pour se mettre au service du général. Rome est reprise en 82 : Sylla y établit sa dictature, promulgue les proscriptions et entreprend de réformer les institutions républicaines dans un sens conservateur.

Pompée est chargé de rétablir l’autorité de Rome en Sicile, puis de combattre les derniers rebelles en Afrique du Nord. Il s’illustre avec éclat dans ces différents théâtres d’opérations, allant jusqu’à combattre sans casque au milieu de la mêlée furieuse… Qualifié d’« imperator » par ses troupes, il est autorisé à triompher à Rome en 81, quelques semaines après Sylla. Un fait totalement inédit alors pour un jeune homme d’à peine plus de 20 ans qui n’a, de surcroît, jamais encore revêtu de charge importante. Ce n’est là que le début d’un parcours qui constituera, à lui seul, un défi au système républicain.

La mort de Sylla en 78 entraîne le retour de la guerre civile. Pompée choisit d’abord de défendre l’héritage politique du dictateur et lutte contre l’un des derniers bastions marianistes, l’Espagne, où Sertorius menace dangereusement les intérêts romains. Une guerre longue (76-72) et difficile à mener, mais qu’il remporte néanmoins en dépit du peu de soutien du sénat. Les membres de la curie sont en effet confrontés à de nouveaux troubles en Orient, et surtout à la révolte servile de Spartacus, dans la péninsule italienne elle-même.

Après avoir pacifié l’Espagne, Pompée aide les troupes de Crassus à en finir avec les esclaves. Tous deux, forts du soutien de leurs soldats, prétendent alors au consulat qu’ils ne peuvent légalement obtenir. Ils sont pourtant élus pour l’année 70, comme si le prestige militaire entraînait la légitimité politique. Après avoir de nouveau triomphé, Pompée opère un changement de ligne politique et entreprend cette fois de défaire l’œuvre politique de Sylla : il affaiblit le sénat, satisfait la plèbe en restaurant les pouvoirs des tribuns et favorise les chevaliers, en leur restituant notamment la fructueuse dîme d’Asie.

Un triomphe « sur l’univers entier »

Depuis 20 ans, les différentes guerres (sociale, civile, servile…) ont permis l’émergence d’un fléau endémique qui menace directement le ravitaillement de la population de Rome et la sécurité de l’empire : la piraterie. En 67, la lex Gabinia accorde à Pompée un pouvoir absolu pour trois ans sur toute la Méditerranée et ses littoraux, jusqu’à 70 km à l’intérieur des terres… Alors que les magistratures à Rome sont annuelles et collégiales, confier un tel imperium à un seul homme est proprement extraordinaire. En quadrillant la mare nostrum, en attaquant les repaires des pirates mais aussi en faisant preuve d’une grande magnanimité à l’égard de ces derniers, Pompée règle la question en quelques mois seulement et choisit de s’attarder en Orient.

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Un autre général, Lucullus, y défend depuis sept ans déjà les intérêts de Rome, mais son action est critiquée. La lex Manlius, soutenue par César et Cicéron, propose alors, en 66, de confier tout l’Orient romain à Pompée qui désormais voit son pouvoir s’étendre sur la Phrygie, la Lycaonie, la Galatie, la Cappadoce… Il vainc définitivement Mithridate et, au-delà de ces opérations strictement militaires, remodèle l’Asie romaine, notamment l’Arménie de Tigrane II, et fait de la Syrie une province romaine. Après avoir mené ses troupes jusqu’au pied du Caucase, dans des contrées qu’aucun Romain n’avait jamais traversées, il intervient en Judée, en arbitrant une querelle de succession, et fait entrer la région dans l’orbite de Rome. En quelques années, Pompée aura enchaîné les succès militaires et diplomatiques, créé des villes et fourni au Trésor de Rome un butin phénoménal.

En septembre 61, Pompée triomphe « sur l’univers entier » durant deux jours. La procession qui dévoile les trésors rapportés d’Orient s’étend sur plus de 10 km. Pourtant, durant son absence, son champ d’action politique semble s’être rétréci. Alors qu’il a licencié ses troupes dès son retour en Italie, il n’inspire pas confiance au sénat où Lucullus, démis de sa charge en Orient au profit de Pompée, exerce une grande influence. Il s’oppose notamment à la ratification de sa politique asiatique et à la distribution de terres à ses vétérans. En dépit de son prestige militaire, l’homme de guerre ne sait pas s’attirer les faveurs de la plèbe qui, par son soutien, pourrait contrebalancer cette perte de crédit. Cicéron, qui fut proche de lui, l’a décrit comme un homme seul, d’aucun parti, devant lequel on restait froid. Aussi, pour conserver un réel ascendant à Rome, il choisit de s’allier en 60 aux deux hommes forts du moment : l’ambitieux Jules César, le neveu par alliance de Marius, fort apprécié du peuple depuis les fastes d’édilité, et Crassus, assurément l’homme le plus riche de Rome.

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Photo : Buste de Pompée, copie d’antique en marbre réalisée au XVIIe siècle en Italie pour orner le Grand Salon du château de Vaux-le-Vicomte. Crédits : Jean-Pol Grandmont, via Wikimedia.

 

Une alliance d’abord informelle, puis officialisée par les accords de Lucques en 56, sous le nom de « premier triumvirat », renforcée enfin par le mariage de Pompée avec la fille de César.

Échec du premier triumvirat et reprise de la guerre civile

S’il n’obtient pas la responsabilité de conduire une intervention en Égypte pour restaurer Ptolémée XII, Pompée se voit investi d’une charge très importante à Rome : l’annone. Pendant cinq ans, il doit assurer le ravitaillement de la ville, ce qui lui confère un pouvoir une nouvelle fois extraordinaire, en Italie même et hors de la péninsule. Mais la mort de Crassus en Orient, à Carrhes, et le décès de la fille de César marquent la fin du triumvirat, dans un contexte inédit de crise des institutions.

Depuis l’affaire Catilina (63), l’exil de Cicéron (58), le climat politique s’est en effet détérioré à Rome. La violence règne dans la ville où les bandes armées s’affrontent jusque sur le forum et dans la curie, qui est incendiée. En 52, Pompée est même désigné consul unique, sans parvenir pour autant à assainir un système gangrené. Quand le sénat refuse en 49 de prolonger le commandement de César en Gaule, ce dernier n’accepte de libérer ses légions que si Pompée, qui est proconsul d’Espagne et d’Afrique et dispose donc à ce titre de troupes sous son autorité, fait de même. Il refuse. La guerre civile peut reprendre.

César franchit le Rubicon en 49, se mettant hors la loi en faisant pénétrer ses légions dans une Italie d’ordinaire démilitarisée. La panique s’empare de Rome et bon nombre de sénateurs suivent alors Pompée à Dyrrachium (en Albanie aujourd’hui). Ils quittent si précipitamment la ville qu’ils laissent derrière eux le Trésor public dont va se saisir César. Mais, fort de sa flotte, Pompée domine les mers et dispose de soutiens dans tout l’empire. Ses partisans sont défaits en Espagne et à Marseille, mais ils l’emportent en Afrique du Nord, avec l’aide du roi de Numidie Juba qui, en faisant exécuter les prisonniers, contribue à salir l’image de Pompée.

Mort incompris du peuple romain, assassiné en Orient…

L’acte final de cet affrontement se joue dans le nord de la Grèce, en Thessalie. César et son fidèle Antoine ont réussi à traverser l’Adriatique. Au mois d’août 48, à Pharsale, pressé par son entourage mais contre son gré, Pompée engage la bataille. Il aurait préféré user les troupes adverses, en les harcelant dans la péninsule. En dépit de sa supériorité numérique, la déroute est totale face aux légionnaires aguerris de César, en particulier ceux de la Xe légion. Pompée doit fuir et cherche refuge dans le bassin oriental de la Méditerranée.

Le jeune Ptolémée XIII, le frère de Cléopâtre, lui accorde l’asile mais fait assassiner cet hôte jugé finalement trop encombrant avant même qu’il ne débarque sur le sol égyptien, par un centurion qui avait jadis combattu les pirates sous ses ordres.

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On raconte que César pleura lorsqu’on lui présenta la tête de son adversaire. Il ne lui restera néanmoins qu’à vaincre les derniers pompéiens pour s’imposer à Rome et modifier en profondeur les institutions républicaines, dans le sens d’une forte personnalisation du pouvoir. Ironie de l’histoire, il sera assassiné en 44 au pied de la statue de son ancien adversaire, dans l’imposant complexe architectural que Pompée avait offert à Rome, sans pour autant jamais gagner le cœur de la plèbe.

Emma Demeester

 

Bibliographie

  • Eric Teyssier, Pompée – L’anti-César, Perrin, 2013.

Chronologie

  • 106 : Naissance de Pompée.
  • 91-88 : Guerre sociale.
  • 81 : Premier triomphe de Pompée.
  • 76-72 : Campagne d’Espagne.
  • 70 : Pompée est consul avec Crassus.
  • 67 : Pompée est investi d’un imperium pour lutter contre les pirates.
  • 66 : Pompée se voit investi de l’Orient romain.
  • 61 : Triomphe « sur l’univers entier ».
  • 56 : Les accords de Lucques officialisent le premier triumvirat.
  • 52 : Pompée est désigné consul unique pour rétablir l’ordre à Rome.
  • 49 : César franchit le Rubicon, début de la guerre civile.
  • 48 : Bataille de Pharsale et mort de Pompée en Égypte.

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Pompée le Grand,
la chute d'un astre

Issu d’une riche famille plébéienne, Pompée a vite été surnommé « le Grand » en raison de ses succès militaires. Mais sa rivalité avec César, son ancien allié, le conduira à sa perte.

Pompée meurt assassiné en Égypte. Son cadavre est décapité et sa tête conservée pour être remise ...

Pompée meurt assassiné en Égypte. Son cadavre est décapité et sa tête conservée pour être remise en cadeau à Jules César. Huile sur toile de Gaetano Gandolfi. XVIIIe siècle. Musée Magnin, Dijon.

SOURCE : PHOTOGRAPHIE DE WIKICOMMONS
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Histoire et Civilisations. S'abonner au magazine 

« Autant j’aime le fils, autant je hais le père. » L’historien antique Plutarque commence sa biographie de Pompée le Grand par ce vers sans ambages tiré d’Eschyle. L’illustre rival de César était le fils d’un puissant général romain, Cnaeus Pompeius Strabo. Celui-ci s’était distingué par son inflexibilité pendant la guerre sociale (91-89 av. J.-C.). Le peuple lui vouait une telle haine qu’il bafoua sa dépouille sur son bûcher funèbre. 

De ce père exigeant et dur, le jeune Pompée, né en 106 av. J.-C., hérita d’un goût certain pour l’armée et la stratégie. À cela s’ajoutaient une solide fortune et une clientèle nombreuse, qui le reliait à Sylla. Celui-ci était le chef de file des optimates, le parti politique conservateur défendant les intérêts de la vieille aristocratie. Il percevait Pompée comme un jeune homme prometteur, alors que la préférence de Marius, le meneur des populares, le parti progressiste, allait au jeune Jules César, neveu de sa femme Julia. 

Dans une République en déliquescence face à un empire territorial immense, les structures politiques de la cité-État de Rome nécessitaient un renouvellement. Leur effondrement favorisait des conflits civils incessants et devint le terreau fertile des rêves de pouvoir des plus ambitieux. Pompée était de la race des maîtres du monde : sans scrupule et audacieux. Cependant, son affabilité – naturelle ou calculée – faisait de lui un homme apprécié. Il avait aussi plaisante allure. Son regard était à la fois doux et ardent, ses manières respectueuses. Il plaisait beaucoup aux femmes, et la courtisane Flora, connue à travers toute la capitale pour son étourdissante beauté, se consumait d’amour pour lui. À ce charme ravageur s’ajoutait une mèche rebelle soulevée par un épi sur le front qui lui donnait de faux airs d’Alexandre. En référence à cette caractéristique et à ses talents militaires, ses hommes lui donnèrent le surnom de « Magnus » (« le Grand ») après les combats qu’il mena en Afrique contre les partisans de Marius en 81 av. J.-C. Il accepta cet honneur de bonne grâce... ce qui en disait long sur ses velléités. 

UNE ASSURANCE DE MAUVAISE AUGURE

Pour célébrer son triomphe, Pompée voulut, en dépit des usages établis, défiler dans Rome sur un char tiré par des éléphants d’Afrique. Moins scénographe que tacticien, il n’avait pas anticipé qu’il ne pourrait pas franchir la porte de la ville avec son char ridiculement imposant. Certes, le ridicule pouvait tuer à Rome, mais pas un homme de sa trempe. 

Âgé de tout juste 26 ans en 79 av. J.-C. et membre de l’ordre équestre, la petite noblesse romaine, Pompée, enhardi par ses victoires, osa réclamer au sénat la prestigieuse magistrature de consul, alors même que cette fonction était réservée à la classe sénatoriale et couronnait une carrière des honneurs menée à son terme. Sylla perçut la requête de son jeune protégé comme une marque d’arrogance de mauvais augure et décida de le rayer de son testament. Si Pompée ne pouvait plus compter sur le soutien du chef de file des optimates, il se chercha très vite un autre allié en la personne d’un rival de celui-ci, Marcus Aemilius Lepidus.

Influencés par la période hellénistique, les portraits du général romain le représentent comme un homme digne ...

Influencés par la période hellénistique, les portraits du général romain le représentent comme un homme digne et affable. Buste conservé au Musée archéologique de Venise. Sur la page de droite, pièce d’or à l’effigie de Pompée et de son fils Sextus. Musée archéologique national, Naples.

PHOTOGRAPHIE DE GETTY IMAGES

Ce dernier, que l’historien à la plume acérée Jérôme Carcopino qualifiait de « franche canaille », était considéré par Sylla comme un agitateur. Mais cette alliance de circonstance ne dura guère. Pompée l’évinça du paysage politique l’année suivante, après l’avoir vaincu sur le champ de bataille.

LA VOIE TRIOMPHALE

En 77 av. J.-C., Pompée repartit en campagne en Hispanie. Sa mission consistait à mater la révolte menée par un autre partisan de Marius. Après une série de batailles à l’issue incertaine, le général infligea une cuisante défaite à son compatriote  Sertorius. Avant de quitter la péninsule Ibérique, il érigea un trophée à sa propre gloire sur le col du  Perthus. L’inscription qu’il fit graver affirmait qu’il avait pris 870 villes… Il comptait le moindre hameau sur sa route, certes, mais il faut lui reconnaître un sens certain de la communication.

Le vainqueur de Sertorius n’avait pas quitté l’Espagne qu’une révolte servile sans précédent humiliait les Romains depuis des mois. Spartacus et sa bande de 100 000 esclaves en fuite mettaient en déroute l’armée. Crassus, général pourtant aguerri, était en difficulté. Pompée et Lucullus vinrent lui prêter mainforte en 73 av. J.-C. Leurs troupes tuèrent presque tous les mutins.  Pompée en captura 6 000 et en fit crucifier un tous les 33 m le long de la route allant de Rome à Capoue, la ville où la révolte avait éclaté. Le général voulait donner un signal dissuasif à tous les esclaves tentés de fuir leur condition. À Rome, on ne contestait pas l’autorité des maîtres. Il s’agissait en outre d’un autre « coup de com’ » brillantissime : il s’arrogeait publiquement tout le prestige de l’écrasement de la mutinerie.

Peu de temps après cette nouvelle victoire, Pompée, dont les rêves de pouvoir suprême s’affermissaient, profita de l’adulation dont il faisait l’objet à Rome pour redemander le consulat sans remplir, cette fois encore, les conditions nécessaires. Sa popularité obligea le sénat à lui accorder une dispense, et il fut élu au côté de Crassus en 70 av. J.-C.

Les Romains craignaient cependant une nouvelle guerre civile entre les deux hommes, qui refusèrent dans un premier temps de licencier leurs troupes après leur élection. Mais le sang n’avait que trop coulé : chacun estima que Rome méritait un répit, et les deux consuls acceptèrent de démobiliser simultanément leurs légionnaires. Cela ne signifiait pas qu’ils renonçaient à leurs ambitions ; ils temporisaient seulement. 

Pompée soumet la Judée en 63 av. J.-C. et met le cap sur Pétra, une prospère ...

Pompée soumet la Judée en 63 av. J.-C. et met le cap sur Pétra, une prospère enclave caravanière située dans le désert de Jordanie. Annexée en 62 av. J.-C., la ville rose conserve toutefois son autonomie en contrepartie d’une faramineuse somme d’argent.

PHOTOGRAPHIE DE ETHAN WELTY VIA GETTY IMAGES

En 67 av. J.-C., Pompée profita d’une nouvelle occasion pour se distinguer par ses talents militaires sur mer. Il reçut un pouvoir de commandement exceptionnel, l’imperium, grâce à la loi Gabinia. Il disposait ainsi des pleins pouvoirs pour éradiquer les pirates en Méditerranée. Leurs raids perturbaient les trajets commerciaux et mettaient à mal le ravitaillement de l’Italie, dont le blé provenait majoritairement d’Égypte. Grâce aux 200 vaisseaux de guerre mis à sa disposition, Pompée quadrilla efficacement l’espace maritime et le débarrassa des pirates en trois mois. Il fut accueilli en héros à Athènes, avant de se rendre à Soli, dans l’actuelle  Turquie, où il installa les pirates repentis. La ville, détruite par Mithridate, ne demandait qu’à renaître de ses cendres. Elle prit ainsi le nom de Pompeiopolis ! 

Quelques mois après ce succès, la loi Manilia offrit à Pompée la direction de la guerre contre le roi du Pont. Mithridate, irrespectueux des accords passés avec Rome, faisait régner la terreur en Orient. Le général avait carte blanche pour se débarrasser de l’ennemi oriental et pacifier la région. Grâce à une spectaculaire attaque nocturne, il mit en déroute l’armée du roi. Il continua ensuite son avancée en Orient. Certains, à l’instar du roi Tigrane d’Arménie, préférèrent s’allier à lui plutôt que de l’affronter. D’autres roitelets, trop fiers pour choisir la voie diplomatique, furent vaincus. Pompée parvint même à mettre en difficulté le roi des Parthes, Phraatès III. L’imperator, toujours victorieux, mit l’Orient à genoux et fit des régions du Pont et de la Bithynie, sur la rive sud-ouest de la mer Noire, une province romaine. 

UN GÉNÉRAL INSPIRANT LA TERREUR

Mais Pompée n’arrêta pas là son irrésistible ascension. En 63 av. J.-C., les princes de Judée sollicitèrent son aide pour régler leur lutte de pouvoir. Le général saisit cette occasion pour soumettre la Judée. Ses légionnaires partirent à l’assaut de Jérusalem un samedi. Ce jour-là, l’armée juive ne se battait pas. Le Temple fut le théâtre d’un carnage où 13 000 soldats ennemis furent tués. La Judée dépendait désormais de Rome et son nouveau roi, Hyrcan II, tel un vassal, fut adoubé par Pompée.

Le général envisagea alors de rentrer en Italie célébrer un triomphe bien mérité. Sur le chemin du retour, il fonda de nouvelles cités à sa gloire, à l’instar d’Alexandre. Arrivé à Brindes, il licencia ses troupes pour prouver au sénat admiratif et anxieux qu’il ne prendrait pas la capitale par les armes. Pour s’imposer dans les plus hautes sphères politiques, il misa sur le jeu des alliances matrimoniales. Il voulait être le nouveau champion des optimates en nouant des liens solides avec les plus conservateurs. Il chercha ainsi à épouser une fille de la maison de l’austère Caton.

Ce stoïcien chevronné lui refusa la main de sa nièce. Pompée se rendit à l’évidence. Ses succès trop nombreux et son ambition terrorisaient ses alliés potentiels. Il s’élevait au-dessus de la masse et, depuis les cimes, paraissait dangereux. Il se tourna alors vers un autre homme taillé dans le même bois que lui. César inspirait aux siens les mêmes craintes respectueuses. Les deux hommes comprirent que l’heure était venue de s’allier contre le reste de Rome. Pour concrétiser leur alliance, Pompée épousa en 59 av. J.-C. Julie, la fille de son nouvel ami. 

Là où se dressait jadis le Sérapéum d’Alexandrie, le monumental temple dédié au dieu Sérapis, ne ...

Là où se dressait jadis le Sérapéum d’Alexandrie, le monumental temple dédié au dieu Sérapis, ne subsiste plus qu’une colonne en granit rose de 20,46 m où aurait été enterré Pompée.

PHOTOGRAPHIE DE MARCPO, ISTOCK VIA GETTY IMAGES

César et Pompée inclurent  Crassus dans leur pacte d’entraide vers le pouvoir. Ce premier triumvirat de l’ombre visait à faire élire Pompée et Crassus consuls, puis ceux-ci feraient voter le prolongement du mandat de César en Gaule. Leur plan se déroula à merveille. Cependant, la mort de Julie en 54 av. J.-C. et celle de Crassus en Orient en 53 av. J.-C., deux ans après son consulat, changèrent la donne. 

LE CHOC DES TITANS

En 51 av. J.-C., César avait pris le contrôle de la Gaule. Il souhaita obtenir un nouveau consulat et rentrer à Rome. Pompée sentait que leur face-à-face était inéluctable. Stratège, César proposa la dissolution de son armée si Pompée en faisait de même. Cela revenait à signer un pacte symbolique de non-agression. Pompée refusa et somma le vainqueur de Vercingétorix de revenir dans la ville après avoir congédié ses hommes. Le 12 janvier 49 av. J.-C., César franchit le Rubicon avec ses légions. Son message était limpide : le choc des Titans approchait. Pompée comprit qu’un affrontement aux abords de Rome lui serait défavorable. César marchait vers lui avec ses troupes galvanisées par les victoires gauloises et celles de Pompée étaient en infériorité numérique. Le 19 mars, celuici quitta Rome pour l’Orient dans le but de réorganiser ses troupes et de pousser son rival à l’affronter sur un terrain de son choix. 

Au printemps 48 av. J.-C., près de Dyrrachium, en Albanie, les deux généraux se livrèrent à une sorte de guerre de position. Leurs troupes souffraient de problèmes de ravitaillement. Aucun n’osa lancer une offensive dans ces conditions. En juillet, leurs troupes s’affrontèrent finalement à Pharsale, en Thessalie. Le 9 août, Pompée admit qu’il venait de subir la plus écrasante défaite de son existence. Les cadavres de 6 000 de ses hommes gisaient sur le champ de bataille ; 24 000 autres avaient été faits prisonniers. César, lui, n’avait perdu que 1 200 légionnaires…

Dans un fol espoir de revanche, Pompée sollicita l’aide de Ptolémée XIII, le frère-époux de Cléopâtre. Il avait jadis été proche de son père et espérait sans doute trouver refuge en Égypte le temps de se reconstituer une armée. Le 28 septembre, son navire jeta l’ancre près de la plage de Péluse, à l’extrémité nord-est du delta du Nil. Pompée fut accueilli dans une petite embarcation par un comité restreint, composé des conseillers du jeune pharaon. Parmi eux se tenait l’un de ses anciens centurions, le Romain Septimus, installé dans la vallée du Nil depuis plusieurs années. Alors que l’esquif n’offrait au général aucune possibilité de repli, l’ancien légionnaire porta le premier coup de glaive par surprise. Il fut suivi dans cette lâche entreprise par Pothin et Achillas, les conseillers de Ptolémée XIII. Pompée mourut sous les regards impuissants de ses proches restés sur leur navire.

Cet homme, dont la carrière fut si brillante, ne méritait pas une fin aussi ignominieuse. Son cadavre ruisselant de sang chaud fut jeté sur le rivage. Achillas lui trancha la tête. L’Égyptien pensait tenir entre ses mains un précieux trophée : le crâne d’un des plus grands tacticiens que Rome avait enfantés. Les assassins se prenaient pour de plus grands stratèges que leur victime. Ils pensaient gagner ainsi les faveurs de César. Loin de produire l’effet escompté, le trépas de Pompée engendra une guerre. Le vainqueur de Pharsale tenait le défunt en très haute estime. Il respectait ses qualités militaires et son ambition. Il avait sans doute aimé l’affronter et jubilé de mettre un tel stratège en difficulté. Ils étaient en quelque sorte les reflets inversés l’un de l’autre et c’est ainsi que Pompée entrerait dans l’Histoire : en unique rival digne de César.

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BUSTE DE JULES CESAR 

 

 

 

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Commentaires
P
Mon cher Gerard cet article est très intéressant et enrichit notre culture de l’histoire romaine. Je l’ai lu à plusieurs reprises et je le conserve précieusement pour avoir le plaisir de le relire et de me replonger dans l’histoire de Rome et de ses héros.<br /> <br /> Bien affectueusement à toi.
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