par Erwan Castel.
Alors que beaucoup de propagandistes, confondant fantasme et réalité, l’avaient annoncé il y a une semaine, la libération de Peski s’est réellement produite le 13 aout 2022 lorsque ses quartiers Nord Ouest ont été conquis par les forces alliées menant l’assaut depuis le 27 juillet sur ce vieux point d’appui ukrainien touchant Donetsk et au prix de pertes importantes. Comme je l’ai expliqué dans un précédent rapport consacré à ces combats de Peski, la libération de ce village, bien que n’ayant pas une importance stratégique marque un tournant important sur le front de Donetsk où les combats et les bombardements n’ont jamais cessé depuis plus de 8 ans :
• C’est la première destruction frontale de cette ligne de front ukrainienne dont les fortifications sont parmi les plus solides du corps de bataille ukrainien dans le Donbass,
• C’est la première étape du mouvement de contournement Sud du bastion d’Avdeevka où ce situe la plus importante garnison ukrainienne devant Donetsk,
• C’est un premier recul de la 1ère ligne ukrainienne, et donc également de tout son dispositif arrière, dont l’artillerie qui bombarde la ville de Donetsk et Makeevka,
• C’est une première victoire psychologique pour les populations civiles de plus en plus touchées par les bombardements terroristes ukrainiens.
Situation générale de Peski sur le front de Donetsk au 13 août 2022.La libération de Peski est une illustration de la tactique offensive utilisée par l’état-major russe sur ce front russo-ukrainien depuis fin mars 2022, lors de l’engagement de la deuxième phase stratégique visant prioritairement à libérer les territoires des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk occupés par des forces ukrainiennes articulé autour de bastions urbains particulièrement fortifiés. En juillet, cette stratégie russo-républicaine a évolué après le libération de Severodonetsk, privilégiant désormais l’encerclement au mieux physique, au pire opératif (avec l’artillerie) des bastions ukrainiens plutôt que de s’épuiser dans des assauts frontaux couteux en vies et matériels et provoquant des dommages collatéraux civils importants.
La libération de Peski du 27 juillet au 13 août 2022.Les unités d’artillerie alliées par des bombardements intensifs et ininterrompus ont d’abord « mis sous cloche » pendant plus d’une semaine les positions ukrainiennes, battant de leurs feux leurs chemins logistiques venant de Pervomaïske et Vodyane et détruisant une par une toutes les positions et dépôts situés dans ce village.
Les bombardements ont été assurés par les Lance Roquettes Multiples (122mm, 220mm et TOS incendiaires) chargé de saturer des zones complètes ainsi que les obusiers et aéronefs d’attaques au sol qui ont réalisé des tirs de précision sur des positions ennemies.
Cette tactique d’écrasement a été d’autant plus possible que Peski est abandonné par sa population depuis plusieurs années.
Les bombardements sur Peski, par leur intensité ont été visibles
et audibles à des kilomètres à la ronde. Ici depuis Donetsk
Une fois les unités ukrainiennes tenant Peski, principalement le 21e bataillon de la 56e brigade mécanisée, affaiblies et assommées, les unités d’assaut républicaines ont engagé un assaut sur ses positions défensives Sud à partir de 2 axes d’attaque. Si celui partant de la zone aéroportuaire à l’Est a dans un premier temps été repoussé par les ukrainiens, en revanche celui venant du Sud (au niveau du quartier dit « Volvo Center ») a réussi à percer la ligne de défense ukrainienne et prendre pied dans le village entre le 3 et le 4 août.
Pour cette deuxième phase, l’artillerie a continué d’appliquer des tirs de barrage et des tirs d’appui pour soutenir les assauts de l’infanterie avec des chars de combat du bataillon « Somali » et du 11ème régiment notamment, qui dans ces combats urbains sont utilisés comme une artillerie roulante et de précision.
Char de combat du bataillon « Somali » en appui des assauts d’infanterie sur Peski
La libération effective du village de Peski s’est ensuite déroulée en 3 temps, imposés par la configuration particulière de l’agglomération, coupée en deux par une ligne d’eau élargie en étangs ainsi que par les immeubles élevés situés dans ses quartiers Nord Est et à partir desquels les dernières unités ukrainiennes tentent de résister aux progressions alliées.
• Tout d’abord, les progressions alliés ont rapidement investi la partie Sud Ouest de Peski, le long de la route E 50 et jusqu’au carrefour séparant le village de celui de Pervomaïsk dont ils ont détruit les positions situées au Nord du monastère.
• Ensuite, les ukrainiens repliés dans les immeubles hauts de l’autre côté des étangs, interdisant le franchissement de la ligne d’eau (1 pont et 1 passage), les forces alliés, pour la contourner, ont donc repris leurs assauts depuis la zone aéroportuaire à l’Est,
• Avant l’assaut final, les forces alliées ont repris la tactique de l’écrasement d’artillerie des zones occupées par les ukrainiens, notamment avec des bombardements massifs et impressionnants menés par les lance roquette multiples incendiaires TOS 1.
Bombardement des dernières positions ukrainiennes de Peski avec des roquettes thermobariques de TOS 1
Pendant cette phase de libération de Peski, et malgré le fait qu’il était perdu pour elles, les forces ukrainiennes y ont quand mené des combats d’arrière garde, de freinage jusqu’à y envoyer des renforts des 110e et 66e brigades, pour gagner du temps et tenter d’organiser au Nord du village une nouvelle ligne de défense.
Enfin, le 13 août, sous les bombardements et les assauts alliés, les forces ukrainiennes ont abandonné complétement Peski, les survivants se repliant vers les points d’appui de Pervomaïsk, Vodyane et Opitnoe (reliés également par une ligne d’étangs) et à partir desquels, l’état-major espère pouvoir organiser une nouvelle ligne de défense protégeant le bastion d’Avdeevka (5 km au Nord Est) et aussi les dernières routes l’approvisionnant et qui passent au Nord de Pervomaïsk.